Il y a du bon et du moins bon dans cette année 2012 qui vient de s’écouler. Notre sondage GMG* montre en tout cas que les généralistes sont tout sauf indifférents aux modifications de leur environnement l’an passé (voir infographie).
À commencer par leurs motifs de colère. Ils sont en effet très nombreux dans notre enquête à dénoncer l’ineptie de l’obligation de la mention manuscrite « non substituable » sur les ordonnances. Cette contrainte imposée aux généralistes n’est, en théorie, pas nouvelle, mais elle conditionne depuis l’été le bénéfice du tiers payant en pharmacie pour le malade. D’où une pression sur le prescripteur visiblement très mal ressenti par les généralistes : 67% d’entre eux placent en tête de leur liste noire cette page d’écriture hebdomadaire. Il est vrai qu’en octobre, la pétition lancée par le chef de file d’Union Généraliste, Claude Bronner pour l’abolition du pensum avait déjà affolé les compteurs : plus de 5 000 signatures en quelques semaines !
Notre sondage confirme donc l’extrême susceptibilité de la profession sur ce sujet. En comparaison, l’octroi d’une rémunération pour les seuls pharmaciens sur les AVK n’est placé en tête des sources d’agacement que par 14 % des répondants, la grève pour la défense du secteur 2 par 9 %, de même que la baisse des postes de médecine générale à l’internat. En regard de tout cela, il faut bien reconnaître que le énième report du DPC glisse dans l’indifférence générale… 1% des confrères seulement le présente comme leur cause d’énervement numéro un.
Le forfait médecin traitant, une aubaine !
Les médecins généralistes sont plus partagés sur leurs motifs de réjouissance l’an passé. Même si, là encore, les votes de la profession restent assez concentrés. Au sommet du hit-parade – mais d’une courte tête – figure l’extension du forfait médecin traitant à tous les patients, citée par 37 % des sondés. 5 petits euros qui font d’autant plus chaud au cœur que, dans le fond, ils n’étaient pas vraiment attendus. Qui aurait dit en effet qu’une négociation sur la régulation des dépassements des spécialistes se serait soldée in fine par un coup de pouce aux généralistes de secteur 1 ? Une proportion équivalente (36 %) préfère toutefois souligner le recul de l’Ordre qui, après avoir plaidé pour une certaine dose de coercition à l’installation au début de l’été, est revenu à une position plus modérée à l’automne. Tout de même, certains généralistes saluent le sauvetage de l’ASV comme la meilleure nouvelle de l’année. Mais ils ne sont pas majoritaires (16 %).
À côté, les autres nouvelles tarifaires laissent plus les généralistes perplexes : c’est le cas du V Alzheimer (6 %) ou de la mise en place pour la première fois du nouveau P4P avec ses objectifs de paiement à la performance (5 %).
Ce coup de rétroviseur sur 2012 devait aussi faire une place aux principales décisions de santé publique. La plus intéressante aux yeux des généralistes ? C’est le lancement des premières expérimentations sur le baclofène en ville estiment 29 % des sondés. Il faut dire qu’en amont comme en aval du feu vert (circonstancié...) donné en avril par la HAS à cette nouvelle voie de traitement de l’alcoolisme se trouve un médecin généraliste, le Pr Philippe Jaury, professeur à Paris-Descartes. C’est lui qui est l’auteur de l’étude préliminaire sur le produit en mars. Et encore lui qui mène depuis, l'essai Bacloville, lancé fin mai, et qui, aux dernières nouvelles, aurait déjà recruté les deux tiers de ses participants.
Sur la santé publique, les avis sont néanmoins assez partagés. En témoigne, la dispersion importante des réponses : 27,5% « votent » pour l’IVG à 100 %, une des décisions emblématiques annoncée par Marisol Touraine, 22,5 % retiennent le remplacement annoncé de l’Hémoccult® comme la meilleure mesure sanitaire de l’année, enfin 16,5 % ont été plus sensibles au « niet » de la Haute Autorité de santé au dépistage du cancer de la prostate par dosage de PSA. L’avis rendu le 4 avril dernier par la HAS vient pourtant modifier bien des habitudes. Mais est-ce vraiment une bonne nouvelle pour des praticiens qui n’ont guère d’autres alternatives ? Enfin, pour mémoire, l’annonce des expérimentations sur les salles de shoot ne retient l’attention que de moins de 5 % des généralistes : soit qu’ils sont contre, soit qu’ils s’en contrefichent…
Les « NACO » s’imposent dans le paysage médical
2012 n’a sans doute pas été une année aussi riche au plan de l’actualité médicale que les exercices précédents. Pourtant, la moitié des médecins de famille interrogés citent spontanément l’arrivée sur le marché des nouveaux anticoagulants comme l’événement médical qui a marqué l’année. Une façon pour eux de saluer le lancement de Pradaxa®, admis au remboursement dans la FA en juillet 2012, suivi par Xarelto® en septembre 2012, au terme d’un feuilleton à remboursement. En comparaison des NACO, les autres items proposés ont du mal à s’imposer, même si le principal motif de réjouissance est, pour un quart des sondés, le nouveau test sanguin pour remplacer l’amniocentèse, pour 13,5% le jugement mitigé de la Haute Autorité de santé sur les anti-Alzheimer, et pour 8,5% seulement « la fin des pilules de troisième génération ». Encore faut-il souligner concernant ce dernier point que la question a été posée avant la polémique de ces derniers jours.
Le carton rouge de l’année
Enfin, innovation de notre sondage cette année : le carton rouge de l’année. Sans discussion
possible, c’est le tandem Philippe Even-Bernard Debré qui remporte la mise (voir infographie). Auteurs en septembre d’un « Guide des médicaments utiles, inutiles ou dangereux », qui affirme que 50 % de la pharmacopée française est inutile et qui va jusqu’à s’attaquer aux statines, l’ancien doyen de Necker et le toujours député de Paris s’attirent les foudres de la profession. Le grand public se l’est pourtant arraché, mais le corps médical sanctionne ici l’outrance d’un ouvrage au vitriol : vous êtes plus de 60 % à siffler la fin de la récréation. Les médecins généralistes sont beaucoup plus indulgents vis-à-vis d’une Martine Aubry (15 %) mise en examen dans l’affaire de l’amiante (et qui pourrait avoir prochainement gain de cause) ou concernant les boulettes de Nora Berra sur les SDF (11,5 %), les allégations du Pr Séralini sur les OGM ou les turpitudes supposées de l’ex-commissaire européen à la santé John Dally (2,5 %). C’est peut-être sa faible notoriété qui sauve ce dernier...
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature