128 chercheurs de Harvard proposent un traitement anti-SIDA à bon marché pour l'Afrique

Publié le 10/04/2001
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De notre correspondant

B IEN QUE le mot d'ordre de l'administration Bush soit le « désengagement » des causes extérieures, beaucoup d'Américains militent pour une aide massive à l'Afrique dans la lutte contre le SIDA.

Dans le document qu'ils ont signé, les 128 universitaires de Harvard montrent que les Etats-Unis et d'autres pays riches pourraient financer sans difficulté les soins aux malades du SIDA en Afrique. Ils demandent que, dans les cinq ans, trois millions d'Africains malades du SIDA soient pris en charge par le programme qu'ils proposent et qui comprend non seulement les médicaments, lesquels seraient livrés à prix coûtant par les laboratoires pharmaceutiques, mais des essais cliniques et des études épidémiologiques conduites par des experts internationaux et destinées à évaluer différentes approches de traitement.
Les universitaires demandent aux pays riches d'augmenter d'une « manière spectaculaire » leur aide aux programmes internationaux de lutte contre le SIDA et de rassembler leurs ressources dans un « fonds mondial » qui serait géré en commun par l'OMS et le programme des Nations unies contre le SIDA.
Directeur du centre pour le développement international à Harvard, Jeffrey Sachs estime que les propositions de son université coûteraient environ 7 milliards de dollars par an (50 milliards de francs). M. Sachs, qui s'est rendu célèbre quand il a participé à la reconversion de l'économie soviétique en économie de marché dans les années quatre-vingt-dix, a publié un article dans « Newsweek » daté du 2 avril dernier au sujet du SIDA en Afrique. Il dénonçait l'indifférence du monde à l'égard de ce continent et affirmait que la prise en charge des malades africains du SIDA par la communauté internationale n'était pas d'un coût exorbitant. Pour un programme étalé sur cinq ans et donc d'un coût de 35 milliards de dollars (près de 250 milliards de francs), il pense que les Etats-Unis devraient apporter un tiers du financement.

Des réseaux de soins ?

Aux Etats-Unis, certains soulignent que les médicaments ne suffisent pas et que, sans des réseaux de soins compétents, avec des médecins et des infirmières, les médicaments seuls seraient sans effet. La proposition de Harvard ne va pas jusqu'à proposer que des réseaux de soins soient créés par les pays riches avec leurs propres personnels médicaux. Mais, déclare le Pr Bruce Walker, « notre proposition n'exclut pas d'autres initiatives. Elle a seulement le mérite d'être concrète et applicable dans de courts délais. Nous ne pouvons pas rester assis confortablement pendant que des populations africaines sont exterminées. Aux Etats-Unis, nous avons soigné des malades et, si nous ne les avons pas guéris, nous leur avons permis de quitter leur lit et de vaquer à leurs affaires. En Afrique, seulement 10 000 malades du SIDA sont traités. Ce que nous souhaitons à Harvard, c'est profiter de l'énorme émotion que la catastrophe africaine a soulevée chez nous ».
M. Sachs a demandé que le Sénat vote au moins un budget de 1,5 milliard de dollars qui serait versé dans le fonds mondial dont il souhaite la création. Il n'est pas pessimiste quant à la réaction de l'administration Bush, qui lui aurait exprimé son intérêt « sans toutefois citer des chiffres ».
Il est peu probable, cependant, que le président Bush et le Congrès acceptent la gestion d'un tel fonds par les organismes internationaux. Un sénateur républicain, Bill Frist, lui-même médecin, suggère de consacrer à la lutte anti-SIDA en Afrique « beaucoup plus que ce que nous donnons actuellement (460 millions de dollars), mais beaucoup moins que ce que propose M. Sachs ».

Laurent SILBERT

Source : lequotidiendumedecin.fr: 6896