Après sept mois d’hospitalisation à temps plein, Sarah*, qui souffre d’anorexie mentale, est prise en charge depuis le mois de mai au sein de l’unité de jour Michel-Ange de la clinique Édouard Rist à Paris (Fondation Santé des Étudiants de France, FSEF). Déjà, elle a retrouvé le goût du sport et suit avec intérêt ses cours de première, qui la « sortent du cadre de la maladie ».
Cette structure unique en France dans les troubles des conduites alimentaires (TCA), sous la responsabilité de la pédopsychiatre Nathalie Godart, est ouverte depuis octobre 2019. Du lundi au vendredi, des jeunes de 12 à 20 ans sont accueillis et bénéficient de soins pluridisciplinaires et d’une scolarité adaptée, une alliance permise par l’expertise de la FSEF dans les soins-études. L’unité de jour constitue un tremplin vers le retour à la vie scolaire et sociale. La durée de l’hospitalisation est très variable, généralement de quelques mois.
L’unité accueille une vingtaine de jeunes patients souffrant d’anorexie mentale, qui sortent le plus souvent d’une hospitalisation à temps plein. À l’inverse, l’unité vise dans certains cas à éviter l’hospitalisation. Le dossier de demande d’admission est réalisé conjointement entre l’équipe soignante, la famille et le patient. « Ce dossier nous donne un aperçu de la situation et nous permet de voir si elle peut correspondre à un accueil dans l’unité », indique la Dr Céline Bréan, psychiatre référente au sein de la structure. L’état de santé doit être suffisamment stable pour permettre un retour à domicile les soirs et week-ends, mais aussi pour participer aux médiations proposées et aux cours. Un bilan est ensuite réalisé sur place avant l’admission.
Des médiations variées
Au sein de l’unité, la première semaine est une phase d’observation. « Nous évaluons le déroulé de l’intégration, comment le patient réagit aux soins afin d’affiner le projet », détaille la Dr Bréan. L’objectif étant à la fois de retrouver un poids de bonne santé, mais aussi un état psychique satisfaisant.
Ainsi, tous les jours, une infirmière d’accueil prend les constantes des patients et évalue leur état psychologique. Et en plus des séances individuelles hebdomadaires avec l’un des psychiatres, la médecin généraliste (au moins au début), la psychologue et la diététicienne, les jeunes patients participent à des ateliers en petit groupe ou individuellement. La quinzaine de soignants de l’établissement définit ensemble les objectifs thérapeutiques et les soins les plus adaptés.
Gym douce, danse ou encore balnéothérapie, les médiations animées par Mélanie Urvoy, psychomotricienne, sont centrées sur le corps et le travail des sens pour « harmoniser la sphère affective et émotionnelle, le corps et l’esprit, leur faire retrouver une meilleure représentation d’eux-mêmes et les aider à habiter leur corps, souvent détaché de leur sensation », explique-t-elle.
L’art-thérapeute, Barbara Maison-Loudoux, va chercher à « remobiliser l’imaginaire et la créativité ». Sarah, par exemple, apprécie tout particulièrement les activités de modelage avec la terre. « Nous travaillons sur ce qu’elles ont à raconter par le biais de la création », précise l’art-thérapeute. Des œuvres collectives sont également au programme, telles que des fresques, pour apprendre à faire de la place à l’autre. « La maladie prend tellement de place que l’autre n’existe pas », avance Mélanie Urvoy. Et finalement, « elles sont très soutenantes les unes envers les autres, des liens d’amitié forts se créent », constate Barbara Maison-Loudoux.
En avril, une éducatrice spécialisée est venue renforcer l’équipe. Audrey Paveau est notamment en charge de la guidance familiale. « Je propose des outils aux parents pour rendre le quotidien plus facile, comme le recours à des tableaux pour l’organisation des tâches ou des techniques de relaxation pour gérer ses émotions », raconte-t-elle.
La cadre de santé Chloé Pénabaille anime des séances de psychoéducation. « On travaille sur les connaissances que les patients ont de leur propre maladie et ses impacts, et on les renforce », décrit-elle. De son côté, la diététicienne Sophie Nicolich organise des ateliers culinaires. Elle définit aussi pour chaque patient une feuille de route alimentaire à la fois pour les repas pris au sein de la structure, mais aussi pour ceux pris au domicile.
La Dr Fabienne Perdereau, psychiatre, a récemment rejoint la structure. « Mon rôle est d’y développer la thérapie multifamiliale, qui consiste à réunir plusieurs familles pour leur permettre de s’entraider et d’échanger autour d’activités ludiques et créatives », explique-t-elle. La psychiatre travaille notamment sur la redistribution des rôles au sein de la famille, pour aider « à retrouver de la souplesse dans le fonctionnement ».
Retrouver le lien avec les autres
La scolarité, assurée par une équipe pédagogique de l’Éducation nationale, est généralement introduite rapidement dans le parcours. « La maladie coupe souvent de l’environnement. Avec les cours, les adolescents retrouvent au fur et à mesure le lien avec les autres », relève la Dr Bréan. Les cours, qui se font par niveau scolaire, ont lieu dans des locaux dédiés, en commun avec les autres patients de la clinique. Le nombre de cours par semaine augmente progressivement et n’excède pas 15 heures.
Les équipes pédagogique et soignante sont en contact régulier. « Nous apportons aux professeurs des éléments utiles pour leur permettre de s’adapter à chaque élève dans le respect du secret médical », indique la Dr Bréan.
Au-delà d’un accueil restreint lors du premier confinement, la pandémie a chamboulé les habitudes des repas. « Nous avions l’habitude d’être deux soignants à table avec nos patients, mais depuis novembre, nous ne pouvons plus manger avec eux », regrette la psychiatre référente. De plus, les patients n’ont plus accès au self, qui leur permettait « de choisir leurs plats, une étape intéressante avant le retour à la cantine scolaire », poursuit-elle.
« L’hôpital de jour avait été pensé pour accueillir 16 patients, et très vite, ce taux a été dépassé », raconte la Dr Bréan. L’unité espère pouvoir accueillir 25 patients à la rentrée de septembre. Une équipe mobile devrait également être mise en place.
*Prénom modifié
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