Voilà une enquête locale qui ne va certainement pas rassurer pas la profession sur la généralisation du tiers payant. Selon cette étude (préliminaire à la rédaction d’une thèse de médecine générale) portant sur les délais de paiement du tiers payant au généraliste en secteur I, les délais conventionnels de règlement du médecin en cas de dispense d’avance des frais sont aujourd’hui dépassés dans 50 % des cas. Autre point critique : avant d’être rémunéré, le praticien patiente deux fois plus que le temps estimé par l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) en juillet 2013, dans un rapport commandé par Marisol Touraine en préambule à la généralisation du tiers payant en ville à l’horizon 2017.
L’auteur de l’étude, le Dr Thomas Rémy, a passé au crible plus de 65 000 feuilles de soins facturées en tiers payant issues de l’activité des cinq médecins libéraux d’un cabinet de groupe de Tourcoing (Nord), entre septembre 2009 et décembre 2013. À l’époque, le Dr Rémy y effectuait des remplacements. « J’ai choisi ce sujet pour sensibiliser les jeunes médecins à la gestion d’un cabinet médical, confie le jeune médecin au « Quotidien ». D’autant que celui de Tourcoing affiche un taux de tiers payant social de 72 %, quand la moyenne nationale approche les 35 %. La généralisation n’était déjà pas loin. »
Payé trois ans après
Les résultats sont édifiants. Sur la cohorte analysée, le délai moyen de paiement du tiers payant est de 10,7 jours, toutes feuilles de soins électroniques (FSE) et papiers (FSP) confondues. Au minimum, le médecin attend deux jours, au maximum… 980 ! Anomalies de facturation, droits du patient pas à jour, changement de statut du bénéficiaire figurent parmi les causes de ces délais qui grimpent significativement en cas de couverture du patient par l’aide médicale d’état (AME). En tout état de cause, ce délai moyen de 11 jours pour le règlement du médecin met à mal les estimations plus optimistes de l’IGAS qui faisait état dans son rapport d’un délai de « cinq jours en moyenne dans le régime général », quel que soit le mode de facturation. Le délai de paiement observé « dans la vraie vie », à Tourcoing, est sensiblement supérieur au constat de l’IGAS dans tous les cas de figure de dispense d’avance des frais, pour les FSE comme pour les supports papier.
Trous de trésorerie
Plus grave, ces délais ne sont pas conformes aux engagements conventionnels de la CNAM.
Selon l’enquête, une FSE sur deux est payée au médecin par sa caisse primaire au-delà du délai maximal autorisé par l’article 48 de la convention (soit cinq jours ouvrés pour la liquidation de la FSE et l’ordre de virement du montant dû). Et pour les feuilles papier, les médecins doivent patienter plus de 39 jours dans 50 % des cas, alors que la convention engage la Sécu sur un délai maximum de 20 jours à compter de la réception des documents nécessaires à la prise en charge par la caisse (article 52).
Même s’il est difficile d’extrapoler à l’échelle nationale, les conclusions préliminaires du travail du Dr Rémy reposent la question des conditions de réussite technique de la généralisation du tiers payant. Le Dr Bertrand Legrand exerce dans le cabinet médical étudié. Il n’a aucun doute : mal gérés, les « trous de trésorerie » résultant au tiers payant peuvent pousser certains cabinets à la faillite. « Employée à temps plein, notre secrétaire consacre 20 heures hebdomadaires à la gestion du tiers payant social. Attendez qu’on y ajoute 400 mutuelles… »
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