Une prise de conscience croissante, mais une réalité toujours dramatique : la France navigue en plein paradoxe quant à la question des violences faites aux femmes.
Plus de 70 % des femmes (contre 57 % en 2016) et près de 65 % des hommes (contre 45 % il y a cinq ans) se sentent féministes, selon un sondage de la CSA pour La Maison des femmes de Saint-Denis, réalisé du 11 au 15 octobre 2021 auprès d’un échantillon représentatif de 1 003 adultes. Et près de 60 % des Français considèrent que la représentation des femmes s'est améliorée sur le plan médiatique, grâce aux mouvements de libération de la parole.
Mais ils sont 70 % à estimer que leur situation dans la réalité est inchangée, voire s'est dégradée. Seulement 10 % des femmes déclarent se sentir « complètement l’égale des hommes », alors que près de deux tiers des hommes ne voient aucun problème. Surtout, 15 % des femmes déclarent avoir déjà été violées - toutes catégories socioprofessionnelles confondues, une sur trois indique avoir déjà subi des attouchements à caractère sexuel sans consentement (32 %) et une sur deux, des comportements déplacés ou des propositions dérangeantes. Près de 80 % des répondants considèrent que les enfants ne sont pas assez protégés contre ces violences.
Augmentation des violences conjugales
Les enseignements du sondage se retrouvent dans les chiffres officiels. Les services de police et de gendarmerie ont enregistré une hausse de 10 % des violences conjugales en 2020 : celles-ci concernent ainsi 159 400 victimes, dont 139 200 femmes (87 %). À ce décompte doivent être ajoutés les chiffres des homicides, 102 femmes en 2020 tuées sous les coups de leur conjoint ou ex (146 en 2019).
Seulement 5 500 personnes (soit 3 % des victimes), des femmes à une écrasante majorité (5 400), ont porté plainte pour viol ou agression sexuelle par leur conjoint. « Les violences conjugales sont peu fréquemment suivies de plaintes, en particulier lorsqu’il s’agit d’agressions à caractère sexuel », souligne le ministère de l'Intérieur.
Par ailleurs, la ligne d'écoute pour les femmes victimes de violences, le 3919, a enregistré une hausse « exponentielle » des appels, de 114 % entre 2017 et 2020, selon la Fédération nationale solidarité femmes (FNSF) qui gère la plateforme. En 2020, 99 538 appels ont été pris en charge, soit une hausse de 22 % par rapport à 2019. La quasi-totalité (95 %) des appels concerne les violences conjugales. Les violences sexuelles auraient augmenté de 9 %. « La période de la pandémie a vu une explosion des appels avec des situations très lourdes, des femmes qui se sont retrouvées bloquées avec leur agresseur, dans l'impossibilité de quitter le domicile », explique Françoise Brié, directrice générale de la FNSF, qui rappelle que « le foyer reste le lieu où les tensions sont exacerbées ».
Une action politique jugée insuffisante
« L’augmentation du nombre de victimes de violences conjugales enregistrées ces deux dernières années traduit un possible effet positif du Grenelle des violences conjugales (automne 2019), lequel a pu inciter les victimes à davantage déposer plainte et favoriser un meilleur accueil par les services de sécurité », interprète le ministère.
Mais le regard des Français à l'égard de l'action politique est sévère. Selon le sondage CSA, 58 % des Français déclarent ainsi que la lutte contre les violences faites aux femmes doit être un objectif prioritaire pour le gouvernement. Seulement 24 % considèrent que c’est déjà le cas. La Fondation des femmes estime de son côté que 40 % des victimes de violences conjugales ne se voient proposer aucune solution d'hébergement pour se mettre à l'abri de leur mari violent, et seules 12 % obtiennent une place adaptée.
Création de structures spécifiques pour les femmes
« À quelques mois des présidentielles, il est urgent de convaincre les pouvoirs publics et de faire entendre la voix des patientes et des victimes », assure la Dr Ghada Hatem, gynécologue-obstétricienne et fondatrice de la Maison des femmes qui vient de lancer un podcast à cette intention. Ce modèle d'accompagnement médical, social, juridique et judiciaire fait d'ailleurs école, puisque l'AP-HP vient d'inaugurer la première de ses trois Maisons des femmes à l'hôpital Bichat -Claude-Bernard (les deux autres s'ouvriront prochainement à la Pitié-Salpétrière et à l'Hôtel-Dieu). Du côté des libéraux, SOS médecins Grand Paris vient d'ouvrir, après Tours, un Centre d'accueil SOS dans le 17e arrondissement parisien.
Enfin, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin vient d'annoncer une protection accrue pour les victimes de violences sexuelles ou conjugales en situation irrégulière, afin de les encourager à porter plainte. Elles seraient protégées tout le temps de l'instruction, puis régularisées, si la justice condamne la personne responsable des violences.
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