Comment dépister les femmes victimes de violences conjugales ? Si des recommandations de la Haute Autorité de santé existent, ainsi qu'un vade-mecum de l'Ordre pour aider les médecins à signaler des cas de violences, les médecins ne disposent d'aucun outil de repérage validé. Pourtant, les femmes qui s'ouvrent de leur situation le font en priorité devant un généraliste ou un psy (psychiatre ou psychologue) pour un tiers d'entre elles, avant les services sociaux (21 %), commissariats, ou associations (10 %).
Le questionnaire de dépistage Woman Abuse Screening Tool (Wast), adapté en Français depuis sa version originale canadienne (en anglais), pourrait combler cette lacune, suggère une étude publiée dans le « Bulletin épidémiologique hebdomadaire » (BEH) du 2 février, par l'équipe du service de médecine légale du CHU de Clermont-Ferrand.
Bonne acceptabilité et efficacité dans le repérage
Le questionnaire Wast est constitué de huit questions, portant sur les 12 derniers mois, interrogeant la femme sur sa relation avec son conjoint. Les deux premières sont fermées : « 1. En général, comment décririez-vous votre relation avec votre conjoint ? très tendue, assez tendue ou sans tension. 2. Comment vous et votre conjoint arrivez-vous à résoudre vos disputes ? Très difficilement, assez difficilement, sans difficulté ». Pour répondre aux six questions suivantes, la femme a le choix entre « souvent, parfois, jamais », afin d'estimer son sentiment de dévalorisation, l'occurrence des coups, la peur, la maltraitance physique ou psychique, et enfin, l'abus sexuel. Un score total est obtenu, qui varie de 0 à 16.
Les auteurs ont mené une étude cas-témoins auprès de 361 femmes (181 victimes et 180 non-victimes) recrutées entre 2016 et 2019 dans le service de médecine légale du CHU et dans deux centres d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF). Les participantes ont complété le questionnaire Wast ainsi qu'un questionnaire évaluant leur niveau d'aise avec cet outil.
Le questionnaire Wast est très bien accepté, soulignent d'abord les auteurs, puisque le taux de réponse s'élève au-dessus de 95 % (le pourcentage de réponses complètes est de 97,8 % pour les femmes victimes et de 97,2 % pour les non-victimes). « Ce taux d’acceptabilité élevé confirme que les femmes plébiscitent des approches garantissant la confidentialité et l’intimité telles que remplir un questionnaire, seule et en privé », lit-on. « Le dépistage des violences conjugales par le biais de questionnaires n’engendre pas de vécu traumatisant pour les patientes qui les complètent », est-il aussi précisé.
Ses performances diagnostiques sont en outre très bonnes. La valeur seuil (au-dessus de laquelle une femme est identifiée comme victime potentielle de violences) est de 5, avec une sensibilité de 97,7 %, une spécificité de 97,1 %, une valeur prédictive positive de 97,2 % et une valeur prédictive négative de 97,7 %.
Confiance et orientation
Les auteurs notent enfin que les femmes sont plus à l'aise pour remplir le questionnaire lorsqu'elles sont non victimes (et n'ont donc pas peur des représailles), et hors consultation médicale. « Ceci montre les difficultés des professionnels à effectuer le dépistage des violences conjugales, en particulier en milieu libéral. Un climat de confiance et de respect doit être instauré par les professionnels de santé afin d’aborder ce sujet », commentent les auteurs.
En conclusion, ces derniers préconisent l'utilisation de l'outil Wast en pratique courante, et de manière systématique dans l’interrogatoire aux urgences, dans les services de chirurgie ou au cours de consultations dédiées telles que l’entretien prénatal précoce. Ils rappellent néanmoins que le dépistage des femmes victimes de violence n’est qu’une première étape et ne peut être efficace que s’il est accompagné de mesures d’aide (ou de soutien) adaptées.
90 féminicides en 2020
En 2020, sur les 106 crimes liés à des violences conjugales, 90 victimes sont des femmes, a annoncé ce 2 février le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti. Des chiffres en baisse comparé à 2019, où 173 crimes sont à déplorer, dont 146 féminicides. Des résultats « trop modestes, mais porteurs d'espoir », a commenté le ministre de la Justice.
Si ce chiffre est le plus bas depuis que le gouvernement a commencé à recenser les féminicides en 2006, les associations s'accordent à dire qu'il est encore trop tôt pour y voir une tendance durable. Selon l'AFP, les meurtres de femmes par leurs conjoints ou ex n'ont pas particulièrement baissé pendant les confinements liés à la crise sanitaire du Covid-19, tandis que les signalements des violences subies par les femmes et les enfants ont fortement augmenté.
L’Académie de médecine s’alarme du désengagement des États-Unis en santé
Un patient opéré avant le week-end a un moins bon pronostic
Maladie rénale chronique : des pistes concrètes pour améliorer le dépistage
Covid : les risques de complications sont présents jusqu’à trente mois après hospitalisation