IL S’EST EN EFFET PRODUIT au Sénat un incident assez révélateur de l’intransigeance du pouvoir chaque fois que les élus, et plus spécifiquement ceux de la majorité, tentent de mettre de l’eau dans le vin du gouvernement. À propos du poste du Défenseur des enfants, occupé actuellement par Dominique Versini, qui n’a cessé de répéter sur tous les tons qu’elle jugeait indispensable que sa fonction restât séparée de l’entité à venir, deux sénateurs, le centriste Nicolas About (Yvelines) et l’UMP Hugues Portelli (Val d’Oise) ont reçu le soutien de l’opposition pour maintenir le poste de Mme Versini en dehors du regroupement. Le Sénat a d’abord accepté l’exception, puis, sous la pression de la ministre, il s’est ravisé, ce qui a indigné l’opposition : elle a refusé de participer au vote.
Pas de marge de manœuvre.
La querelle n’est pas claire. Le Défenseur des enfants n’est pas supprimé, ni aucune des trois autres agences. A priori, on ne voit pas pourquoi, ces diverses institutions ne pourraient pas fonctionner au sein d’une entité qui les rassemble. Si M. About s’est soumis à la pression du gouvernement, M. Portelli a déclaré qu’il n’avait pas « été élu sénateur pour fonctionner comme ça ». Jean-Pierre Sueur (PS) a parlé de « palinodie » et Nicole Borvo Cohen Seat (PC) d’« abaissement du Parlement ». Conforme à ce que l’on sait de lui, Robert Badinter a lancé une charge puissante contre le gouvernement au nom des enfants dont il dit que la société doit les protéger en priorité. Michèle Alliot-Marie a dénoncé pour sa part le comportement « sectaire » des élus de gauche et d’autres sénateurs estiment que le texte est utile.
LE VA-ET-VIENT ENTRE MANSUÉTUDE ET BRUTALITÉ ABOUTIT À L’INCOHÉRENCE
On peut discuter à l’infini des intentions du gouvernement : veut-il regrouper les quatre institutions pour les affaiblir ou pour mettre de la cohérence dans leur action ? Quoi qu’il en soit de son objectif, on est en droit de se demander s’il doit, en toute occasion, pousser son pion jusqu’à vaincre les résistances. Si on laisse de côté l’efficacité de son projet, la question se pose de toute façon du respect que le pouvoir doit aux élus et du minimum de marge de manœuvre qu’il doit leur accorder. Il apparaît que, disposant d’une majorité dans les deux chambres, il entend que cette majorité lui obéisse au doigt et à l’œil. Ce n’est pas la première fois qu’il se heurte à des députés ou des sénateurs de droite dont les analyses et les convictions sont différentes des siennes. Le président Sarkozy, qui semblait avoir compris, ces dernières semaines, qu’il devait lâcher du lest, reprendre en main sa majorité, donner des gages aux élus, retombe dans la tactique du passage en force.
Comme d’habitude, ce va-et-vient entre mansuétude et brutalité finit dans l’incohérence. Voilà un gouvernement qui choisit des humanistes compétents pour qu’ils soignent les plaies de la société moderne : des libertés non respectées en dépit de lois très fermes, des citoyens broyés par la machine étatique, la persistance du racisme et de l’antisémitisme, des enfants abandonnés ou détenus qui ont besoin de se reconstruire. Mais un gouvernement qui semble se lasser de la multiplication de ces garde-fous, pourtant indispensables. Certes, le pouvoir n’hésitera pas à dire qu’en regroupant quatre institutions au sein de la même Commission, il fait œuvre de simplification et de rationalité. Ne pouvait-il, en l’occurrence, laisser les élus modifier son projet ? Tout ce qu’il conçoit est-il intouchable ? Ou pense-t-on, à l’Élysée, que ce n’est pas le moment de faiblir, ni de montrer à l’opposition que le pouvoir recule ? L’inconvénient d’une politique de fermeté systématique, c’est qu’elle réduit le champ démocratique. Pas parce que le Défenseur des enfants ou la Halde (dirigée par Jeannette Bougrab qui a juré de « se battre comme une tigresse » pour protéger son institution) seraient menacées mais parce qu’il faut conserver, dans les faits, la pluralité des influences politiques et morales qui s’exercent au sein de la société. Enfin, qu’est-ce qui est le plus important, la situation financière de la France ou la nécessité soudain urgente de regrouper les quatre institutions ?
› RICHARD LISCIA
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