Un hôpital privé au quotidien : le saut d’obstacles permanent

Publié le 17/02/2014
Article réservé aux abonnés

C’est un hôpital privé comme il en existe des dizaines à Téhéran. Vieillissant à certains étages, rutilant côté VIP. On y pratique la FIV, la laparoscopie, les soins intensifs cardiologiques. On y croise des médecins parlant un français délicieux. Des octogénaires formés en France il y a... 60 ans.

Mis à la retraite de l’hôpital public, ils s’accrochent à leur blouse. « Le travail, c’est la santé! », sourit ce radiologue, qui explique la vigueur de ses 84 ans simplement : « Je fais du sport, et je bois du vin français ».

Le chef de l’établissement, un chirurgien, avance aussi en âge. Il reçoit dans son petit bureau. « Nous traversons une période très difficile. L’État ne verse pas un rial aux hôpitaux privés. Notre activité a baissé de 10 % car les revenus de la classe moyenne ont chuté ».

Rupture de stock d’Endoxan

Pour renouveler ses matelas anti-escarre, l’hôpital a préféré le modèle français à la copie iranienne. Un choix qui s’est traduit par une livraison retardée. « C’est surtout difficile pour les médicaments, reprend le chirurgien. Il n’y a plus d’Endoxan nulle part depuis trois mois [un anti-cancéreux, NDLR]. Les pharmacies gouvernementales promettent de le distribuer, mais ça ne vient pas. Un patient en a fait venir de Turquie. Pour ceux qui n’ont pas de famille à l’étranger, on adapte le protocole ».

Les médecins ont-ils leurs propres filières d’importation ? Le PDG baisse d’un ton. « C’est interdit par le ministère de la Santé qui a confié le monopole à des sociétés privées ». Mais les Iraniens ont appris à se faufiler. Des valises de médicaments arrivent chaque jour de Dubaï, de Turquie, d’Europe. En dépit des risques à l’aéroport.

L’avenir, ce praticien le voit en gris, comme son costume cravate. « La santé n’est pas la priorité de notre gouvernement. Tout est fait au nom d’Allah. Si vous êtes guéri, c’est au nom d’Allah. Si vous mourez, c’est au nom d’Allah, disent-ils au peuple. Ce qui compte, ce sont les choses militaires, le maintien de l’État islamique. Les êtres humains ne comptent pas pour grand-chose ».


Source : Le Quotidien du Médecin: 9302