LA DÉPRESSION : enjeu de santé publique et/ou maladie sociétale. Ce double point de vue sur la dépression illustre bien la problématique particulière de cette maladie, note Xavier Briffault. Si l’on considère la fréquence de la dépression et sa gravité en termes d’invalidité, il s’agit bien d’un important problème de santé publique.
En effet, selon les données du baromètre santé 2005, 8 % de la population présentent un épisode dépressif chaque année dans notre pays. Comme l’annonçait la campagne de l’INPES de 2007, « la dépression, en savoir plus pour en sortir », cette maladie toucherait ainsi trois millions de personnes en France. Quarante-deux pour cent n’ont pas recours au système de soins, donc 58 % consultent. Parmi ceux-ci, plus de la moitié ne bénéficierait pas d’un traitement adéquat, tel que défini par les recommandations internationales, c’est-à-dire un traitement antidépresseur› = 6 mois ou une psychothérapie› = 6 mois. Finalement, seulement 21 % des patients ont un traitement adéquat, 30 % si l’on ne considère que les épisodes dépressifs majeurs sévères. Ce sont donc deux millions de sujets malades qui ne bénéficieraient pas d’un traitement adapté… Or, la dépression, lorsque sa sévérité est élevée, est responsable d’un niveau d’invalidité très important.
Difficultés diagnostiques.
Ces chiffres peuvent néanmoins être mis en cause, car ils émanent d’enquêtes épidémiologiques et non de diagnostics cliniques, estime Xavier Briffault. Quelle est la validité du diagnostic de dépression dans ces enquêtes réalisées en population générale, le plus souvent par téléphone par des personnes non formées utilisant des questionnaires standardisés ? La question de la validité de ces résultats ne se limite pas aux enquêtes épidémiologiques en psychiatrie mais à la psychiatrie elle-même, ajoute le sociologue. Faute de marqueurs physiopathologiques, le diagnostic d’épisode dépressif majeur est difficile en dehors d’un entretien clinique singulier, d’autant plus qu’il s’agit d’un syndrome, défini par des symptômes, un retentissement, une durée et des critères d’exclusion (DSM-4)…. Comment, dans ces enquêtes, faire le distinguo entre un épisode dépressif majeur, un trouble de l’adaptation ou une réponse attendue et culturellement admise à un événement, interroge X. Briffault. La proportion de besoins non satisfaits ou de traitements non adéquats peut de la même façon être mise en cause.
Des estimations excessives ?
Quant aux traitements antidépresseurs, leur intérêt est discuté par plusieurs méta-analyses, l’une d’entre elles en 2008 (Kirsch I. et al. PLoS Med 2 008 ; 5, p.45) ayant été relayée dans la presse grand public. Cette étude montrait que le traitement n’avait un effet cliniquement significatif – 3 points seulement sur l’échelle de Hamilton- que chez les patients ayant un épisode dépressif caractérisé sévère avec un score› 24 sur l’échelle de Hamilton –, une minorité des personnes présentant une dépression caractérisée. Ce qui ne correspond pas à ce qu’en disent les cliniciens, observe X. Briffault, mais qui tend néanmoins à montrer que le chiffre de trois millions de personnes nécessitant un traitement antidépresseur est sans doute surestimé… Il n’en reste pas moins que la dépression est bien un problème de santé publique. « Mais c’est aussi une maladie sociétale, ou plus précisément une maladie biopsychosociale », insiste le sociologue. Il convient donc d’intervenir sur chacun de ces trois composants. Les solutions doivent être biopsychosociales, portant à la fois sur l’organisation de la prise en charge, la formation des professionnels, l’information et l’éducation des patients.
* CNRS-Cermes3 (Centre de recherche, médecine, sciences, santé, santé mentale)
D’après la présentation de Xavier Briffault dans le cadre du Forum pluridisciplinaire sur la dépression organisé par le Quotidien du Médecin avec le soutien institutionnel des laboratoires Lündbeck.
Dans la cholécystite, la chirurgie reste préférable chez les sujets âgés
Escmid 2025: de nouvelles options dans l’arsenal contre la gonorrhée et le Staphylococcus aureus
Yannick Neuder lance un plan de lutte contre la désinformation en santé
Dès 60 ans, la perte de l’odorat est associée à une hausse de la mortalité