LE QUOTIDIEN : Le CHU de Rennes fait partie des premiers centres à avoir lancé lors de la première vague un projet de réentraînement à l’effort pour la prise en charge du Covid long. Quel programme avez-vous proposé ?
Pr FRANÇOIS CARRÉ : En mai 2020, un programme a été lancé auprès de 22 hommes et femmes, précédemment actifs, ayant contracté le Covid-19, n’ayant pas été admis en réanimation et ayant des difficultés à reprendre le travail. Après deux séances en présentiel, un programme à base d’un travail en endurance, à domicile et sur quatre semaines à raison de trois séances hebdomadaires de 15 minutes, a été proposé.
Il s’est appuyé sur le programme METs-UP d’Activity Lab (1) réalisé avec un step sous la forme d’un interval training [entraînement fractionné, N.D.L.R.] dont l’intensité était contrôlée par une difficulté objectivée. Le but était d’améliorer la capacité aérobie, ou VO2 max, de sorte que celle-ci soit proche ou supérieure au METs-santé, c’est-à-dire les METs (Metabolic Equivalent of Task, équivalent métabolique) (2) minimaux définis pour être en bonne santé, selon l’âge et le sexe.
Les différents indicateurs − qualité de vie, stress et capacité aérobie − ont pu être améliorés, respectivement de 45 %, 25 % et 20 %. Les participants avaient au final une capacité aérobie autour de 100 % des METs-santé. La reprise du travail a pu être facilitée.
Vous avez enclenché récemment un nouveau programme sous couvert d’une étude. De quoi s’agit-il ?
L’étude Recover, un essai multicentrique randomisé centré sur l’activité physique, vient d’être lancée. Elle est composée de deux groupes de 80 personnes dont un groupe contrôle, hommes et femmes de tout âge, inclus quatre semaines après la phase aiguë et répondant aux critères d’inclusion (fatigue, dyspnée, etc.). Le programme comporte un travail aérobie identique à la première phase et du renforcement musculaire sur une durée d’un mois, à domicile.
Quels messages pouvez-vous tirer de vos expériences de terrain ?
Certains symptômes tels que les troubles de l’attention ou cognitifs sont retrouvés fréquemment chez les personnes présentant une fatigue prolongée. Il est nécessaire d’en tenir compte lors des exercices complexes. L’hyperventilation inefficace et une fréquence cardiaque inappropriée à l’intensité d’effort, évocatrices d’une dysautonomie par atteinte des centres bulborachidiens, sont fréquentes chez les personnes présentant un Covid long prolongé.
Quel intérêt peut-on retenir aujourd’hui de l’activité physique ?
Le principal objectif du réentraînement à l’effort dans le cas du Covid long est de ralentir le déconditionnement en proposant des séances d’intensité modérée. Mais il faut être prudent car l’activité physique ne contribue pas toujours à une évolution clinique favorable pour ceux qui présentent des symptômes sur la durée. D’ailleurs, le programme a entraîné une certaine pénibilité. Pour cette sous-population, la réduction des comportements sédentaires peut devenir l’objectif premier.
(1) www.activitylab.com
(2) Le MET est défini comme le rapport de la dépense énergétique liée à l’activité physique sur le métabolisme de base. 1 MET correspond au niveau de dépense énergétique au repos, assis sur une chaise.
Article suivant
Des syndromes hétérogènes difficiles à étudier
Pr François Carré : «Le principal objectif du réentraînement à l’effort dans le cas du Covid long est de ralentir le déconditionnement»
Des syndromes hétérogènes difficiles à étudier
Pr Cédric Lemogne : « Il faut distinguer l’anxiodépression post-Covid et les troubles somatoformes »
Sérologie sans ordonnance, autotest : des outils efficaces pour améliorer le dépistage du VIH
Cancer colorectal chez les plus de 70 ans : quels bénéfices à une prise en charge gériatrique en périopératoire ?
Un traitement court de 6 ou 9 mois efficace contre la tuberculose multirésistante
Regret post-vasectomie : la vasovasostomie, une alternative à l’AMP