Pour rebondir sur la lettre du Dr Petitjean parue dans votre courrier des lecteurs (le « Quotidien » du 3 mai) et pour réagir à la campagne menée actuellement par le député Thomas Mesnier sur les soins coordonnés et leurs nombreux bienfaits pour décharger les médecins généralistes, voici ce que je viens de lui écrire :
Monsieur le Député,
Médecin de formation, je découvre dans divers médias vos interviews sur les soins coordonnés.
Invoquer la pénurie de médecins qui a été organisée et qui perdure parce que depuis 20 ans on n’a rien voulu faire pour changer la situation est un peu facile comme argumentation pour transférer les tâches les plus habituelles des médecins généralistes aux infirmiers, aux sages-femmes, aux kinésithérapeutes (et pourquoi pas aux ostéopathes non médecins ?) et aux pharmaciens… Et cela va des vaccinations au suivi des diabétiques.
A chacun son métier...
De mon temps, on disait chacun son métier. Aujourd’hui les banques font de l’assurance, plutôt mal et les assureurs font de la banque, plutôt très mal. Les facteurs de La Poste font passer le permis de conduire et consacrent du temps à visiter les personnes âgées et moi j’attends maintenant mon courrier dans l’après-midi. Et on veut faire la même chose en médecine ? C’est attristant.
Avez-vous tenté de voir comment sont installés les espaces de confidentialité dans la plupart des pharmacies et observé si vraiment un pharmacien peut dégager du temps et abandonner cinq clients en officine pour s’isoler 20 minutes avec le sixième ? C’est hallucinant. Et le cursus des études de pharmacie à ma connaissance était loin de former à la prise en charge des malades… Dans la pharmacie où je me rends, c’est plutôt du haut débit…
Et pourquoi, dans une telle logique, les médecins ne délivreraient pas les médicaments qu’ils prescrivent et connaissent bien pour éviter à leurs patients de perdre du temps et prendre des risques la nuit pour se rendre dans une pharmacie de garde ? Avec près de 40 de fièvre, attendre 30 minutes dans le froid dans la rue dans une file de 10 personnes face à un guichet comme cela m’est arrivé à Sélestat aux vacances de Noël, c’est du vécu… On est loin de l’espace de confidentialité. Quand un médecin fait de la pro-pharmacie sur une autorisation ancienne, l’Ordre des Pharmaciens est le premier à vouloir y mettre fin. J’arrêterai là.
Une politique absurde
J’ai voté pour votre Président et pour votre groupe, pour éviter que le Front national soit au pouvoir, mais je n’ai pas voté pour que soit mise en place une politique absurde et délétère. La logique aurait plutôt été une politique d’union nationale. Je peux arrêter de rêver. D’autant plus que l’on est incapable de mettre fin à une grève qui pénalise lourdement les usagers des transports en commun, avec de plus une augmentation du prix de l’essence incompréhensible quand on découvre les prix affichés en Allemagne… Désolé pour cette digression, mais vous êtes député.
Il y a un peu plus de deux siècles, le 19 ventôse de l’an IX, le 10 mars 1803, sous le Consulat, Bonaparte rouvrit les Facultés de Médecine, fit voter une loi médicale rétablissant le titre de docteur en médecine, et créa une catégorie inférieure de thérapeutes, les officiers de santé, à formation courte, destinée à médicaliser le territoire du fait du faible nombre de docteurs en médecine. En 1892, on comprit enfin qu’on ne pouvait pas continuer à croire à l’efficacité d’une médecine au rabais et on supprima les officiers de santé. C’est à méditer par tous ceux pour qui n’ont pas lu Madame Bovary de Flaubert. Monsieur Bovary était dans la fiction, vous devez le savoir, officier de santé.
Vous souhaitez vous aussi commenter l'actualité de votre profession dans le « Quotidien du Médecin » ? Adressez vos contributions à jean.paillard@lequotidiendumedecin.fr .
L’Académie de médecine s’alarme du désengagement des États-Unis en santé
Un patient opéré avant le week-end a un moins bon pronostic
Maladie rénale chronique : des pistes concrètes pour améliorer le dépistage
Covid : les risques de complications sont présents jusqu’à trente mois après hospitalisation