Peu habitués à échanger, les syndicats de médecins libéraux et les représentants des établissements privés se retrouvent aujourd’hui unis dans leur opposition résolue au projet de loi de santé de Marisol Touraine.
La Fédération de l’hospitalisation privée (FHP, qui regroupe 1 000 cliniques et hôpitaux privés) et Le Bloc, syndicat bien implanté dans les spécialités de plateaux techniques lourds, ont décidé, en concertation avec les organisations de médecins de ville, de prendre le relais du mouvement de fermeture des cabinets libéraux de fin d’année. À partir du lundi 5 janvier 2015, traduction de ce front de protestation réunissant le secteur hospitalier privé et les praticiens qui y exercent, les cliniques seront fermées, « de façon illimitée », affirme au « Quotidien » le Dr Philippe Cuq, président de l’Union des chirurgiens de France (UCDF) et coprésident du Bloc.
Union sacrée ?
Cette stratégie a été formalisée au cours d’une réunion œcuménique, le mercredi 12 novembre au soir dans un restaurant parisien. Y participaient Lamine Gharbi, président de la FHP, un représentant du groupe de cliniques Générale de santé, le Dr Philippe Cuq (UCDF et Bloc) ainsi que les leaders des principaux syndicats de médecins libéraux : le Dr Jean-Paul Hamon (FMF), le Dr Patrick Gasser (UMESPE-CSMF), le Dr Roger Rua (SML) et le Dr Claude Leicher (MG France). Le Dr Jérôme Marty, président de l'UFML, était également de la partie. Tous ont de solides raisons d’afficher leur opposition au projet de loi de santé, jugé « liberticide ». « Marisol Touraine a réussi à faire l’union sacrée contre elle », résume le Dr Jean-Paul Hamon.
Selon nos informations, c’est au cours de cette discrète réunion qu’a été acté le principe d’une cessation d’activité des établissements privés au début de 2015. « Nous avons tous un intérêt commun, qui est la survie de la médecine libérale et de l’hospitalisation privée », confirme au « Quotidien » Lamine Gharbi.
Depuis des mois, le patron de la FHP explique que le projet de loi de santé « attaque » et marginaliserales cliniques « en instaurant un droit de naissance qui les exclut du service public hospitalier ».
Chez les praticiens libéraux, la généralisation du tiers payant obligatoire, le service territorial de santé au public, les transferts de compétence cristallisent l’opposition au projet de loi. Mais c’est toute la philosophie du texte qui est contestée. Trop « dirigiste ».
Modalités
La réflexion sur l’organisation pratique de ce mouvement de grève des cliniques est désormais engagée. « 250 000 salariés et 50 000 médecins qui arrêtent de travailler dans plus de 1 000 établissements, ça se prépare », souligne le patron de la FHP.
L’idée est d’anticiper les choses en s’appuyant sur la fermeture préalable des cabinets libéraux. « En fin d’année, explique Lamine Gharbi, notre activité est traditionnellement réduite. On va profiter de la fermeture des cabinets libéraux pour programmer le moins d’activité possible dans nos établissements en début d’année, de façon à ce qu’ils soient presque vides le 5 janvier ». Le mouvement, dont les modalités restent à préciser, devrait concerner les soins programmés mais aussi non programmés, avec le risque assumé de s’exposer à des réquisitions.
Le Dr Patrick Gasser, président de l’UMESPE (branche spécialiste de la CSMF), estime même que le conflit dans les établissements privés pourrait démarrer avant le 5 janvier, dès lors que les cliniques auront du mal à fonctionner en pleine grève de la médecine libérale (de nombreux praticiens ont une activité mixte). Le mouvement pourrait durer. Philippe Cuq le qualifie déjà d’« illimité ». « Un jour de fermeture, ça ne sert à rien », renchérit Lamine Gharbi.
Opération lourde
Reste que la grève des cliniques est une opération compliquée et coûteuse. Les salariés des établissements de la FHP continueront à être payés, même si le mouvement se prolonge. « C’est une décision très lourde, reconnaît Lamine Gharbi, mais il ne s’agit pas d’une simple revendication tarifaire. C’est notre survie qui est engagée, demain nous pourrions ne plus être là ». À la Générale de Santé, groupe coté en bourse, on s’abstenait vendredi soir de tout commentaire, sans préciser si le mot d’ordre de fermeture serait observé.
En tout état de cause, cette convergence d’analyse et d’action des praticiens libéraux et des établissements complique la tâche de Marisol Touraine. « Même l’Ordre des médecins et l’Académie de médecine partagent notre jugement sur la loi de santé, analyse Philippe Cuq. C’est l’ensemble du monde de la santé qui se mobilise ».
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