« Concernant les prévisions de déploiement, projette Mélanie Pasquer-Miehé, responsable pédagogique et scientifique de l'association Premiers secours en santé mentale (PSSM France), nous visons 60 000 personnes formées d'ici à fin 2023,150 000 d'ici à fin 2025 et 750 000 d'ici à fin 2030. Nous aurons besoin de davantage de formateurs pour répondre à cette demande. »
PSSM France est une transposition directe du programme australien Mental Health First Aid (MHFA). Inauguré en 2000, celui-ci a permis de former à ce jour 4,84 millions de secouristes en santé mentale dans 27 pays. La branche française, lancée en 2018, en a déjà formé 25 000.
D’une durée de 14 heures, la formation est à un tarif recommandé de 250 euros. Elle peut être dispensée dans une entreprise, une collectivité territoriale ou encore une association et, sous certaines conditions, être financée dans le cadre de la formation professionnelle. Un manuel de 150 pages est remis à chaque participant.
Une personne formée qui souhaite à son tour devenir formatrice peut déposer un dossier de candidature pour suivre une formation de 35 heures, répartie sur cinq jours. C’est ce qu’a entrepris Émilie Piouffre-Sauvaget, psychologue clinicienne spécialisée en criminologie et victimologie, coordinatrice territoriale en promotion de la santé mentale et prévention du suicide au sein du groupe hospitalier de La Rochelle. « J’ai organisé ma première formation en mai dernier à Marans, en Charente-Maritime, rapporte-t-elle. Onze personnes se sont inscrites, parmi lesquelles deux responsables d’université, notamment le référent handicap, une pharmacienne, une médecin généraliste, une coach ou encore une personne à la retraite qui envisageait d’intégrer la Croix-Rouge. »
Des modules spécifiques
Au programme, de la théorie mais surtout des mises en situation, des vidéos, des exercices en petits groupes. Les compétences transmises ne visent pas à remplacer celles des professionnels de la santé mentale. « On le dit à plusieurs reprises lors des séances : on ne forme pas des thérapeutes, on ne forme pas des psychologues, comme les premiers secours physiques ne forment pas des médecins généralistes, souligne la psychologue. On forme des secouristes, capables de repérer les troubles en santé mentale dans leur entourage et d’adopter le bon comportement : écouter activement et sans jugement, informer sur les ressources disponibles et, en cas de crise, relayer au service le plus adapté. »
L’association s’est dotée en début d’année d’un conseil scientifique, « instance indépendante dont le rôle est de statuer sur les grandes orientations de PSSM, notamment sur les prochains programmes à adapter », explique Mélanie Pasquer-Miehé.
En complément du programme standard, des modules adaptés à des publics précis ont été développés par MHFA. « PSSM France a importé en janvier dernier le module Jeunes, dont l’objectif est le repérage précoce des troubles psychiques en développement chez les ados, détaille-t-elle. Nous envisageons de déployer d’ici à quelques années le module Personnes âgées, qui apprend à repérer les signes de démence chez les personnes de plus de 65 ans. Peut-être que nous aurons à l’avenir une adaptation de module concernant l'accueil des migrants. »
Un impact qui reste à évaluer
PSSM France, en tant que détentrice de la licence MHFA, s’engage à ne pas modifier le contenu de la formation, qui a fait l’objet d’une validation scientifique par consensus d'experts (méthode Delphi). Néanmoins, les mises en situation et les exemples sont adaptés au contexte français, puisque le système de santé, les ressources territoriales et les références culturelles ne sont pas les mêmes.
L’évaluation de l'impact du programme sur le public français reste à mener. « Nous avons quelques retours qui remontent spontanément, mais pour le moment rien n'a été précisément tracé », indique Mélanie Pasquer-Miehé. À l'international, plusieurs méta-analyses publiées entre 2014 et 2021 indiquent que la formation renforce les connaissances sur la santé mentale et améliorent la qualité du soutien apporté.
Prévention et déstigmatisation
Les troubles en santé mentale, sujet encore tabou en France, affectent chaque année plusieurs centaines de millions de personnes à travers le monde. Un Français sur quatre sera concerné au cours de sa vie. La crise sanitaire a créé un environnement dans lequel de nombreux facteurs associés ont été exacerbés. Une étude publiée en novembre 2021 dans « The Lancet » fait ainsi état d’une hausse de près de 28 % des troubles dépressifs et de 26 % des troubles anxieux dans le monde à la suite de la pandémie de Covid-19.
À l’instar de PSSM France, plusieurs organisations misent sur la prise en charge précoce et la lutte contre la stigmatisation, comme Psycom, Epsykoi et le 3114, numéro national de prévention du suicide, accessible gratuitement 24 heures/24 et 7 jours/7.
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