Le samedi 12 décembre dernier, les représentants de 195 pays ont signé à Paris un accord visant à limiter l’augmentation de la température mondiale à 1,5 °C. Parmi les nombreuses conséquences du réchauffement climatique sur la santé, l’effet sur le risque infectieux n’est pas souvent abordé. Et pourtant, « les agents infectieux sont transmis par des hôtes intermédiaires, par l’eau ou par l’air. À partir du moment où il y a une phase libre, il y a forcement une influence de la température et de l’hygrométrie », explique Serge Morand, chercheur spécialisé en écologie, parasitologie et biologie de l’évolution travaillant pour le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) sur les conséquences des changements environnementaux sur l’évolution des communautés de rongeurs, de leurs parasites et de leurs pathogènes.
« Les périodes chaudes et humides sont en général bonnes pour les vecteurs, contrairement aux périodes froides et sèches », explique Serge Morand. Les cycles de développement des parasites et des virus sont également impactés par « l’enveloppe climatique », et les modifications des températures moyennes peuvent affecter la survie des pathogènes.
En France, ces dernières années ont vu l’implantation de la dengue et du chikungunya dans les départements français des Amériques (Martinique, Guadeloupe, Guyane) avant de faire son apparition dans le sud de la France métropolitaine, dont le climat est de plus en plus propice à la survie de son vecteur naturel, le moustique tigre (Aedes albopictus). « Les modélisations de niches environnementales avaient montré que le sud de la France était favorable à l’installation du moustique, précise Serge Morand, ces cartes publiées deux ou trois ans avant son implantation se sont révélées exactes. Les modèles actuels montrent qu’il pourrait s’implanter dans le sillon rhodanien vers Bordeaux, puis remonter la Loire. C’est d’ailleurs ce que l’on observe actuellement », prévient-il.
Les systèmes de santé à l’épreuve
Mais il ne suffit pas qu’un pathogène prenne pied en France pour que cela devienne un problème de santé publique. « Il y a le potentiel de transmissibilité et puis il y a la transmissibilité réelle, note Serge Morand, le système de santé français est performant : les ARS surveillent les cas de dengue qui rentrent en France et disposent d’un système de réaction très rapide et des ententes interdépartementales de démoustication. On craignait que la fièvre du Nil ne s’implante en Camargue, cela n’a pas été le cas, mais les services de santé étaient prêts. » Selon les dernières données de l’InVS, 127 cas importés de dengue ont été confirmés en 2015 dont seulement 6 étaient des cas autochtones. Par ailleurs, 30 cas importés de chikungunya ont été confirmés cette année.
Les exemples de la dengue et du chikungunya sont très médiatiques, c’est moins le cas des hantavirus, provoquant des fièvres hémorragiques. Les hôtes de ces virus sont des rongeurs synantropiques, c’est-à-dire qui vivent à proximité des habitats humains, or « la baisse de la biodiversité des rongeurs favorise ces rongeurs synantropiques qui augmentent en densité et risquent de jouer un rôle de réservoir, poursuit Serge Morand. Si en plus les conditions climatiques sont favorables aux virus, on a un effet "spillover" qui favorise le passage du rongeur à l’humain. »
La France est pour le moment épargnée par les hantavirus, mais des traces de ces pathogènes ont d’ores et déjà été repérées aux Pays-Bas et en Belgique. Aux États-Unis, des épisodes de transmissions entre rongeur et humain ont été décrits, mais pas de transmissions interhumaines. Pour Serge Morand, « on pourrait se diriger vers le même cas de figure que la rage où l’homme est une sorte d’hôte cul-de-sac. »
Coup de chaud sur les maladies saisonnières
Les maladies saisonnières pourraient aussi être affectées par la variabilité climatique. La France métropolitaine est sensible aux oscillations de l’Atlantique Nord, qui constituent une anomalie de la température de la surface de l’Océan et se traduisent par des hivers anormalement doux et humides et des étés anormalement chauds et secs. « Ces événements anormaux favorisent les épidémies de grippe et de gastro-entérites, affirme Serge Morand, de même, les infections alimentaires par les salmonelles la rougeole, les méningites virales ou la fièvre Q peuvent réagir. La littérature montre aussi que les infections à entérovirus, les shigelles et l’hépatite A, sont également influencées. »
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