Mieux prendre en compte le sexe et le genre dans le soin, la recherche et les politiques de santé : tel est le message que délivrent le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE) et la Haute Autorité de santé, dans deux documents indépendants, mais publiés en même temps.
Dans un rapport remis ce 15 décembre au ministre de la Santé Olivier Véran et à la ministre déléguée chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, Élisabeth Moreno, le HCE propose 40 pistes pour combler « le retard français » : c’est-à-dire le fait que l'articulation sexe/genre soit encore un angle mort du soin, avec pour conséquences le creusement des inégalités sociales. Pour porter haut et fort cette priorité, le HCE propose de créer un « Institut français genre et santé », qui serait un catalyseur des recherches en sciences sociales, en santé publique et dans le domaine biomédical.
Des clichés sur des maladies
Le HCE ainsi que la HAS appellent à une prise de conscience de la part des acteurs, et surtout des soignants, quant aux interactions dans les pathologies, entre le sexe (réalité biologique) et le genre (représentation sociale du sexe, que ce soit l’expérience de genre, le genre sous lequel je suis perçu en société, ou l'identité de genre, sous laquelle je me perçois).
Concrètement, cela signifie dépasser les clichés toxiques sur les maladies attribuées à des sexes : considérer les maladies cardiovasculaires ou les troubles du spectre autistique comme des pathologies masculines conduit à des retards de diagnostic pour les femmes. Idem, en miroir, pour la dépression ou l'ostéoporose.
« L’amélioration de la santé globale passe par la prise de conscience que la santé des femmes ne se limite pas aux questions reproductives ; que la surmortalité des hommes jusqu’à 65 ans ne doit pas être considérée comme une fatalité ; que la santé des personnes intersexes ne se limite pas aux opérations d’assignation de sexe ; et que la santé des personnes trans ne se limite pas aux questions de changement de sexe », interpelle en d'autres termes la HAS.
De nets progrès en recherche
Trop longtemps, les femmes ont été sous-représentées dans les recherches cliniques. Les progrès sont réels : selon le registre international des essais cliniques (OMS/NIH), la participation des femmes est passée de 35 % en 1995 à 58 % en 2018, et en France, en 2019, 88 % des 4 000 essais cliniques en cours incluent la participation de femmes et d’hommes. Mais ces chiffres manquent de précisions et des sous-représentations ponctuelles, dans certaines pathologies, persistent, indique le HCE.
La HAS préconise, elle, une prise en compte du sexe à toutes les étapes de la construction d'un projet de recherche, depuis la détermination des objectifs, jusqu'à la présentation des résultats en passant par la définition des hypothèses, la constitution des populations, et l'analyse des résultats. Elle invite les comités de protection des personnes à faire preuve d’une vigilance accrue à ce sujet et insiste sur le respect des règles d’équité de représentation femmes-hommes au sein des structures décisionnelles et équipes de recherche.
Intégrer d'autres variables
En parallèle, parce que les spécificités liées au sexe biologique ne suffisent pas toujours à rendre compte des différences entre individus, HAS et HCE demandent une meilleure considération des interactions entre sexe et genre dans la recherche clinique et biomédicale. Cela suppose d'associer médecine, biologie et sciences humaines et sociales. « Il est important de considérer d’autres variables que le sexe : âge, taille, milieu socio-économique, profession, niveau d’instruction, appartenance ethnique etc. », lit-on dans le rapport du HCE. D'autant plus que les conditions de vie, sociales et économiques exposent différemment femmes et hommes à des risques de santé.
Quant à la HAS, elle suggère de ventiler les données de statistique publique et de vie réelle par sexe, mais sans s'en tenir pour autant à une simple présentation en deux colonnes : « Si des différences significatives apparaissent, ou qu’une différence n’apparaît pas alors qu’elle était attendue, il est nécessaire d'aller en rechercher les explications », écrit-elle.
Rénover la formation hors de tout stéréotype
Le HCE et la HAS dénoncent enfin de grandes « lacunes » dans la formation initiale et continue des soignants (mais aussi des acteurs du social et du médico-social), sur le sexe et sur le genre. Cela se traduit par exemple, par un défaut d'adaptation des traitements, à une sous-estimation des besoins de soin en raison de stéréotypes genrés, voire à une stigmatisation des personnes, notamment trans ou intersexes, sur lesquelles le parcours d'études ne s'attarde guère.
Le HCE recommande que la thématique « genre et santé » soit obligatoirement enseignée dans les études de santé, et que la parité soit renforcée dans l'accès aux responsabilités de cette sphère professionnelle. Message reçu du côté de la HAS : l'institution s'engage à « rechercher l’équilibre de la représentation femmes-hommes dans ses commissions et ses groupes de travail », parmi une série d'engagements qu'elle s'applique à elle-même, pour être un acteur du changement.
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