« Clara s’en va mourir » sur le petit écran

La télé s’empare du suicide assisté

Publié le 05/10/2012
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Crédit photo : Carole Bethuel

Clara (Jeanne Balibar) a 43 ans et souffre d’un cancer du poumon avancé. Tragédienne un brin narcissique, elle se rend en Suisse à la recherche de l’« autodélivrance », autrement dit, le suicide assisté. Ayant subi quelques années auparavant l’agonie de son père, aussi vaincu par un crabe, elle ne veut pas être un « supplice » pour les autres et clame son droit à avoir une « fin digne, humaine », comme elle l’explique au préposé de la clinique suisse.

Accepter ou refuser

Avant de disparaître, sa mission (et le cœur du film) est d’expliquer à ses proches son choix pour qu’ils acceptent de l’accompagner dans son dernier souffle. Mais ses talents d’actrice, acclamés dans son interprétation d’une Antigone exaltée, écho explicite à sa vie, ne sont que de peu d’aide face au désarroi d’une sœur, d’un frère, d’une mère, et surtout d’un fils unique, perdu dans la tempête de l’adolescence.

À travers ces confrontations, Virginie Wagon explore toute une palette de sentiments et de questionnements, qui recouvrent ceux de la société civile d’aujourd’hui. Car le choix de Clara force ses proches à, eux aussi, accepter ou refuser, l’inacceptable, la mort. « Tu nous imposes ta mort, nous n’avons pas notre mot à dire », s’offusque sa mère, qui, confrontée à sa propre vieillesse, se réfugie dans un égoïsme aveugle.

Si la sœur, également comédienne, la soutient (non sans heurts), le frère entre dans une brutale opposition à coup de tirades sur le courage et l’abdication. Vadim, le fils, est emmuré dans sa souffrance, déchiré entre l’amour de sa mère qui lui demande de l’accompagner, et l’impossibilité à imaginer son avenir sans elle.

Le film disserte aussi sur ce qu’implique la connaissance de son heure de mort. Clara s’engage dans un « ultime ménage » : elle jette photos et lettres de ses amours passées, enregistre un testament moral pour son fils, crève l’abcès de la jalousie qui ternit la relation avec sa sœur, et règle ses comptes avec un père nocif en rejouant la confrontation avec son frère.

Caricature

Si « Clara s’en va mourir » a le mérite d’aborder le sujet de front, il s’égare dans trop de théâtralité. Le jeu des acteurs, mais aussi certaines scènes absurdes, enlèvent toute crédibilité aux situations. La représentation de la médecine, incarnée par un mandarin trop sûr de la science et des médicaments, manque de finesse, tout comme la rencontre avec un magnétiseur, dépeint comme une bête velue cloîtrée dans un camp de hippies. Enfin, les images glaciales de l’institut suisse, où l’on résume la mort à une fiche rangée dans des classeurs, desservent l’objectif de cette fiction qui se veut « un film politique qui fasse avancer la cause » du libre choix, selon les mots de la réalisatrice.

« Clara s’en va mourir », de Virginie Wagon, 20 h 50 sur Arte, vendredi 5 octobre.

 


La loi Leonetti n'est pas parfaite, admet son auteur

Dans un entretien publié hier dans le quotidien « La Croix », Jean Leonetti estime que la légalisation du suicide assisté, comme dans le cas suisse où le seul critère est « la seule volonté libre, éclairée et réitérée », revient à institutionnaliser « "un droit opposable" à la mort, avec toutes les conséquences que cela comporte vis-à-vis des plus vulnérables d’entre nous ». On se retrouve dans un système « où 30 % des personnes mortes après ce type d’assistance ne souffraient pas d’une maladie mortelle », précise-t-il.

En revanche, il reconnaît que la loi de 2005 sur la fin de vie peut être améliorée. Alors que la « mission Sicard » doit remettre son rapport à ce sujet le 22 décembre, le député UMP (Alpes-Maritimes) suggère que l’on pourrait rendre les directives anticipées plus contraignantes et prévoir une « sédation terminale » dans certaines circonstances. « La loi du 22 avril 2005 n’est pas parfaite », admet-il. « Toute vie mérite d’être vécue mais il y a des cas extrêmes. On peut légitimement se demander si une vie sans relation, sans conscience et sans espoir d’amélioration quelconque, sur un lit, avec un corps qui se délite est effectivement une vie, sans même parler des conséquences que cela comporte pour l’entourage », poursuit le cardiologue.

Par ailleurs, selon une enquête IFOP, réalisée pour le « Pèlerin Magazine » en septembre (auprès de 2 010 de personnes âgées de 18 ans et plus), près d’un Français sur deux (48 %) estime que la loi française actuelle sur la fin de vie ne permet pas « suffisamment d’atténuer les souffrances physiques ou morales » des malades. Pour la majorité (59 %), cette loi ne permet pas « d’éviter toute forme d’acharnement thérapeutique », ni « de respecter la volonté du malade concernant sa fin de vie » (68 %). Ils sont 86 % à se déclarer « favorables à la légalisation de l’euthanasie ». L’adhésion est encore plus forte parmi les sans religion (94 %).

› S. H.
COLINE GARRÉ

Source : lequotidiendumedecin.fr