Lancée en 2018, la troisième révision des lois de bioéthique depuis 1994 a accouché le 3 août 2021 d’une loi publiée au « Journal officiel », qui ouvre l’accès à l’assistance médicale à la procréation (AMP ou PMA) à toutes les femmes, seules ou en couple, avec prise en charge par l’Assurance-maladie.
Contrairement à la promesse d’Olivier Véran, les premiers enfants conçus dans ce nouveau cadre ne verront pas le jour en 2021. Mais les Cecos* sont déjà sollicités : entre le 1er août et le 15 octobre 2021, l’Agence de la biomédecine (ABM) recense 2 753 demandes de premières consultations pour une AMP avec don de spermatozoïdes, dont 1 171 de la part de couples de femmes et 1 316 de femmes non mariées. Seulement un tiers (934) s’est concrétisé par une consultation.
Selon un décret publié fin septembre, les femmes ont jusqu’à 43 ans et les hommes 60 ans pour le prélèvement des gamètes en vue d’une AMP, puis jusqu’à 45 ans pour la femme qui porte l’enfant pour l’insémination artificielle, l’utilisation de gamètes ou le transfert d’embryons (et 60 pour le ou la conjoint.e).
Autoconservation et limites d’âge
Alors que les Cecos ne cessent d’alerter sur le manque de personnel et de moyens, le gouvernement a consenti à un investissement de huit millions d’euros sur trois ans (jusqu’en 2023) : quatre millions dès cette année, dont deux millions pour l’équipement et deux pour le personnel. Ces derniers seront renouvelés en 2022 et 2023. Par ailleurs, l’ABM a lancé cet automne une campagne d’ampleur inédite (financée à hauteur de 3,8 millions d’euros) pour inciter au don.
La nouvelle loi ouvre aussi à tous (et non seulement aux personnes nécessitant une préservation de la fertilité) la possibilité de conserver leurs gamètes pour une AMP ultérieure dans des établissements de santé publics ou privés à but non lucratif autorisés (voire par dérogation dans le privé lucratif). Le prélèvement d’ovocytes peut être réalisé entre 29 et 37 ans chez la femme, tandis que les hommes ont de 29 à 45 ans pour recueillir leurs spermatozoïdes. Si le prélèvement est remboursé, les frais de conservation sont à la charge du bénéficiaire.
À noter, la loi autorise le double don de gamètes pour un couple dont les deux membres auraient des problèmes d’infertilité. Elle n’autorise pas, en revanche, l’AMP pour les transgenres, ou avec les gamètes d’un conjoint décédé (post-mortem), ou la « réception de l’ovocyte de la partenaire » (ROPA).
Accès aux origines
La loi bouleverse l’accès aux origines des enfants issus d’un don en leur permettant, à leur majorité, d’accéder aux données non identifiantes du donneur, voire à son identité. Du côté des donneurs, le consentement à la révélation de ces données sera une condition du don à partir du 1er septembre 2022. Le don reste pour autant anonyme, un couple ne pouvant choisir un donneur, et réciproquement. L’ABM doit constituer d’ici là un registre national des donneurs de gamètes et d’embryons. Quant aux anciens donneurs, ils pourront être recontactés si l’enfant le souhaite par une commission ad hoc placée auprès du ministère de la Santé pour savoir s’ils acceptent de transmettre leurs données (le cas échéant, à l’ABM).
Recherche à caractère sensible
Cette troisième révision redessine l’équilibre entre l’importance de faciliter la recherche et l’affirmation de lignes rouges éthiques. Sont ainsi interdites toute modification du génome des gamètes ou des embryons destinés à être implantés, toute création d’embryon à des fins de recherche et toute adjonction de cellules animales dans un embryon humain.
Si la loi ne touche pas au régime des recherches sur l’embryon humain – la possibilité d’un recours techniques de modification du génome est néanmoins introduite –, elle assouplit les conditions de recherche sur les cellules souches embryonnaires (CSE) humaines et sur les cellules souches pluripotentes induites humaines (iPS), en autorisant notamment chimères homme/animal (adjonction de cellules humaines dans un embryon animal).
Don croisé entre vivants
La nouvelle loi veut encourager le don croisé d’organes entre vivants, en ouvrant la possibilité de mobiliser jusqu’à six paires (et non deux) de donneurs et de receveurs, et d’intercaler dans la chaîne un organe prélevé sur une personne décédée. En matière de don de moelle osseuse, elle autorise un mineur à faire un don au profit de ses parents, et non seulement au profit de la fratrie, des cousins, des oncles et tantes ou neveux et nièces.
Enfin, la loi permet l’examen des caractéristiques génétiques d’une personne hors d’état d’exprimer sa volonté ou décédée dans l’intérêt des membres de la famille du défunt. Elle autorise le médecin à informer un patient soumis à un examen génétique, s’il y consent, de la découverte de caractéristiques génétiques incidentes.
*Centres d’étude et de conservation des œufs et du sperme humains
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