Thomas Piketty, 43 ans, ne s’attendait sans doute pas à ce que son livre remporte un aussi grand succès dans des pays furieusement hostiles au socialisme et favorables à la mondialisation et au libre-échange. Il est vrai qu’il a trouvé des relais aux États-Unis où le prix Nobel d’économie, Paul Krugman, l’a couvert d’éloges, sans doute parce que le même Krugman est l’un des tout premiers détracteurs du système financier américain, lequel, on le sait, nous a plongés en 2008 dans une crise si grave que nous en subissons encore les effets pervers. « Il s’agit là d’un livre, écrit Krugman, qui va changer à la fois la manière dont nous pensons la société et la manière dont nous faisons de l’économie ». M. Piketty montre en effet que, si nous ne surveillons pas le système qui nous régit, il conduit à de graves abus, dont le plus délétère est certainement la confiscation de la moitié des richesses produites par 1 % des citoyens les plus riches au détriment des travailleurs salariés.
Il est tout aussi vrai que la violence de la crise a conduit les gouvernements à prendre des mesures d’urgence qui ont différé les réformes indispensables des systèmes bancaires, financiers et économiques. On s’en est pris, avec un succès mitigé, aux gros salaires, aux versements excessifs de dividendes, à une course aux profits qui ne profitent guère aux salariés. Mais les multinationales font ce qu’elles veulent : les grandes sociétés américaines disposent de deux à quatre mille milliards de dollars dans leurs comptes étrangers qu’elles ne rapatrient pas aux États-Unis pour ne pas payer d’impôts, à tel point que certaines d’entre elles empruntent auprès des banques pour payer des dividendes à leurs actionnaires. Ce sont des méthodes de gougnafier. Car, investies en Amérique, ces sommes créeraient des emplois.
Et l’on suppose qu’il en va de même des multinationales européennes. De sorte qu’il est indispensable d’adopter de nouvelles règles qui limiteraient la liberté des grandes sociétés, et qui établiraient la juste répartition des profits entre actionnaires et employés. Ce qui ne sera pas simple. Car l’accueil réservé par les Américains au livre de M. Piketty ne signifie pas pour autant que son message a été entendu par les acteurs économiques. Prophète du captalisme pur et dur, le « Wall Street Journal » n’a d’ailleurs pas épargné l’économiste français. Il est pourtant souhaitable d’entendre son message et d’en faire un projet réformiste.
Avec la croissance, la redistribution redevient possible.
Dès lors que la crise de l’euro a été surmontée, que les marchés s’apaisent, que la croissance revient, fût-ce lentement, il faut mettre en œuvre des politiques de redistribution. Comment ? Par des accords mondiaux qui empêchent les multinationales de se moquer des règlements nationaux. On a vu, par exemple, que les grandes sociétés high tech ne paient pas d’impôts en Europe, ou très peu, en se servant des disparités entre les systèmes fiscaux européens. Il ne devrait pas être impossible de lisser la pression fiscale dans l’Union européenne de manière à faire disparaître les niches géographiques qui leur permettent d’accumuler des profits dont la croissance est privée. Car « Le capital au XXIè siècle » ne doit pas servir à relancer les idées de planification et d’économie administrée, dont on connaît les conséquences malheureuses, mais à réformer sans cesse un système qui, bien qu’il soit terriblement imparfait, peut être modifié en profondeur. Le livre de M. Piketty va sans doute donner du courage à tous ceux qui ont voté en France contre la politique de l’offre adoptée par François Hollande et par Manuel Valls. Ils doivent pourtant comprendre que l’on peut mettre en œuvre cette politique tout en veillant à ce qu’elle améliore le sort des classes moyenne et pauvre.
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