LE QUOTIDIEN : Le Sénat s’apprête à réécrire totalement la loi de santé. N’y a-t-il rien à sauver dans ce texte que vous avez qualifié de « fourre-tout » ?
GÉRARD LARCHER : Le Sénat va profondément remanier le projet de loi, notamment grâce à la suppression d’articles inutiles, purement déclaratifs ou n’ayant pas leur place dans un texte de santé publique. Il en est ainsi, par exemple, de dispositions relevant du champ de la révision des lois de bioéthique.
Le projet de loi qui comportait initialement 57 articles en comptait 209 à l’issue de son examen à l’Assemblée nationale, en raison aussi de la réécriture de nombreux articles à l’initiative du gouvernement lui-même peu satisfait de sa copie initiale ! Force est de constater que la qualité des projets de loi déposés par le gouvernement n’est pas satisfaisante. Notre ambition est, par conséquent, de lui redonner sens et cohérence.
Faut-il supprimer le tiers payant généralisé, dont l’objectif affiché est d’améliorer l’accès aux soins ?
Le tiers payant concerne déjà les personnes les plus vulnérables. Sa généralisation n’obéit à aucune logique de santé publique mais à des considérations purement politiciennes. De plus, elle se heurte à des difficultés techniques évidentes et ne peut qu’aboutir pour les médecins, en l’état du projet, à une véritable surcharge administrative. C’est le modèle même de la mesure arbitraire, mal préparée et inutile.
Au Sénat, la commission de l’Aménagement du territoire a souhaité introduire dans la loi le principe du conventionnement sélectif des médecins. Quel est votre avis ?
Le sujet de l’accès aux soins dans les zones sous denses est évidemment central. Et c’est un sujet qui touche tout particulièrement le Sénat, assemblée des territoires. Je ne crois pas à des mécanismes autoritaires. C’est méconnaître la psychologie des médecins ; c’est faire fi de leur attachement aux principes de la médecine libérale, la liberté d’installation et aussi le libre choix des patients. La question de l’installation dans les zones sous denses et sur denses doit se régler dans le cadre conventionnel, et par des mesures fortement incitatives. C’est l’intérêt de tous, médecins et patients. Le débat au Sénat devrait permettre de progresser.
Vous avez rencontré au printemps les représentants des médecins libéraux et ceux de l’hôpital. Comprenez-vous leur colère ?
Je crois d’abord à la concertation lorsqu’on veut réaliser une réforme, quelle qu’elle soit. La concertation ne doit pas être de façade et de pure forme comme cela a été le cas ici. Le gouvernement présente une loi en octobre 2014, après un exercice purement formel de concertation bâclée. Il annonce ensuite, au printemps dernier, une grande conférence de santé qui se tiendra après le vote de la loi ! Comment ne pas comprendre l’exaspération des professionnels de santé face à une telle méthode, ou plutôt absence de méthode, et leur sentiment d’avoir été bernés ?
Au-delà de la loi Touraine, peut-on concevoir une refonte du système de santé qui ne bouscule pas les professionnels et les médecins en particulier ?
Toute réforme remet en question des habitudes et se heurte à des résistances. Mais une réforme ne peut pas se faire contre une profession. C’est pourquoi le temps de la concertation est si important. C’est pourquoi cette concertation ne doit pas être formelle et un simple rituel vite expédié. Temps de dialogue et d’explication, la concertation doit permettre de prendre en compte les analyses et les contre-propositions ; donc d’amender et d’améliorer le projet initial.
Cette loi de santé ne donne-t-elle pas une drôle d’idée du jeu parlementaire – l’Assemblée va avoir le dernier mot ; à quoi bon tout le travail sénatorial ?
Mais la loi qui sera définitivement adoptée devra beaucoup au travail de fond du Sénat ! Bien sûr, les marqueurs politiques du gouvernement, comme le tiers payant, subsisteront peut-être et ce sera une grave erreur. Mais sur de nombreux points, l’Assemblée nationale retiendra notre texte. Vous savez que 65 % des amendements du Sénat sont, en règle générale, retenus.
Plus fondamentalement, ce temps d’approfondissement est important, a fortiori quand la concertation en amont du Parlement a été mal faite. L’ambition du Sénat n’est pas de détricoter le projet du gouvernement. Il est – tout en rappelant au gouvernement les imperfections de son projet – de contribuer à ce que la norme juridique applicable à tous soit de meilleure qualité ! Il permet également au Sénat de préparer les politiques de demain.
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