Vigilants pour contrôler l’information médicale sur leurs propres dirigeants, les gouvernements n’en sont pas moins actifs pour percer les secrets de santé de leurs alliés et adversaires. Les services de renseignement laissent ainsi fuiter infos et intox, au gré des enjeux internationaux du moment.
« Le président russe Vladimir Poutine est atteint du syndrome d’Asperger, une forme d’autisme qui le contraint, lors des crises, à s’imposer un contrôle maximum pour stabiliser et équilibrer ses perceptions. Son regard toujours fixe est la marque d’un défaut neurologique et d’une incapacité à faire face aux signaux extérieurs, donnant l’impression de fuir ». Ce diagnostic est signé du Dr Brenda Connors, de l’Office of Net assessment, un service du Pentagone ; il n’est nullement validé scientifiquement mais il atteste que, lorsque les bulletins sur la santé des chefs d’État sont délivrés au compte-gouttes, ou lorsqu’ils sont suspects de dissimulation, les services de renseignement sont à l’affût. Spécialiste du décodage du langage non verbal (la synergologie), le Dr Connors s’était déjà illustrée au sein du Centre d’analyse de la personnalité de la CIA avec ses travaux sur Saddam Hussein : il s’agissait en 2003, de décrypter les mimiques du leader irakien, pour vérifier s’il bluffait au sujet de ses armes de destruction massive.
Auscultés par les James Bond du stéthoscope.
Dans un passé plus ancien, les médecins de la CIA s’étaient intéressés de près, à la demande du président John Kennedy, au cas médical de Nikita Khrouchtchev. Ils avaient conclu à une hypomanie qui le rendait particulièrement dangereux lors des phases d’exaltation. Et le président Kennedy, un autre malade suivi, lui, par le KGB, écourtait en conséquence les séances de négociations avec le leader soviétique. Brejnev, Andropov, Tchernenko et Eltsine furent également auscultés d’aussi près que possible par les James Bond du stéthoscope.
Bien entendu, les cas des présidents Pompidou et Mitterrand n’échappèrent pas à ces fins limiers. Pour le premier, alertés par sa prise de poids spectaculaire, les agents américains avaient tout d’abord diagnostiqué, en 1972, la maladie de Kahler, une affection cancéreuse de la moelle osseuse, avant de rectifier, l’année suivante, diagnostiquant la maladie de Waldenström, grâce aux indices biologiques subtilisés lors de ses déplacements. Le président Nixon fut ainsi plus vite et mieux informé que les citoyens français. Quant au cas du cancer de François Mitterrand, rendu méfiant par le précédent de Georges Pompidou, le président chargea le Dr Gubler de redoubler de précautions lors des voyages à l’étranger, ramenant à Paris coton, pansements, ampoules, tuyaux de perfusion, aiguilles, bref tout ce qui pouvait fournir des indices biologiques sur son traitement et compliquant ainsi la tâche des espions médicaux – sans pouvoir leur faire longtemps obstacle.
Des fuites et des rumeurs
Parfois, les rapports fuitent : alors que les autorités vénézuéliennes s’efforçaient de rassurer l’opinion sur un abcès pelvien bénin du président Hugo Chavez, des médias latino-américains révèlent dès 2011 des informations en provenance de la CIA au sujet d’un cancer de la prostate, bien avant que le « commandante » ne livre la vérité à ses concitoyens sur le mal qui devait l’emporter en 2013.
Les services français ne sont pas en reste dans l’investigation médicale internationale : leur travail est parfois facilité, comme dans le cas du président algérien Abdzelaziz Bouteflika, régulièrement hospitalisé en France : des quotidiens algériens dénoncent régulièrement le fait que les services secrets français sont informés avec précision de l’état de santé de leur président, alors que la vérité reste cachée au peuple.
Dans la France-Afrique, les rapports des services spéciaux sont publiés dans divers médias, comme au Bénin, où depuis deux ans l’état dépressif sévère du président Boni Yayi est évoqué pour accélérer le processus de sa succession.
Ces feuilletons d’espionnage médical peuvent être longs et se poursuivre avec leur cortège de rumeurs même après le décès d’un chef d’État : onze ans après la mort de Yasser Arafat à l’HIA de Clamart, expertises et contre-expertises se succèdent au sujet des traces de Polonium présentes dans le corps du leader palestinien. En l’occurrence, les services secrets sont suspectés d’être passés à l’action.
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