Il me plaît de saluer ici la démarche d’Édouard Philippe pour l’instauration du 80 km/h sur le réseau bidirectionnel sans séparateur central comme une belle action de santé publique : identification du problème (l’essentiel de la mortalité concerne ces routes), vérification de l’existence d’une réponse pertinente et facilement applicable (diminution de la vitesse maximale autorisée et donc de la vitesse de circulation, contrôle facile), absence d’effet délétère majeur et évaluation de l’efficacité sur des indicateurs simples et définis (diminution du nombre de morts et blessés). Le Premier ministre a eu raison de ne pas se laisser bousculer par les opposants qui, sous des prétextes divers, réclament l’abandon ou l’adaptation de la mesure. Il est noble de résister quand il s’agit de sauver trois cents ou quatre cents vies chaque année.
Nier que le nombre d’accidents, de morts et blessés fléchira revient à rejeter une loi physique élémentaire : E =1/2mv² ! Moins d’énergie, c’est une distance d’arrêt raccourcie et des dégâts évidemment moindres. Pour ceux qui ne croient que ce qu’ils voient, évoquons le modèle mathématique de Nilsson et Elvik à la validité toujours vérifiée en France et dans le monde, il démontre qu’une diminution de 1 % de la vitesse génère une réduction de 4 % de la mortalité.
Le réseau concerné est le plus dangereux
Proposer des adaptations territoriales, c’est faire fi des réalités de terrain : le réseau concerné est le plus dangereux en dépit d’idées véhiculées selon lesquelles une belle route droite permettrait de foncer à moindre risque. Nos collègues urgentistes savent la gravité des chocs sur ces portions « roulantes » et faussement rassurantes. Les secteurs concernés par le 80 km/h s’avèrent valides. Accepter de laisser décider les élus locaux eût été choisir de différer sine die une mesure urgente de sécurité routière.
Le comble de la méprise est atteint quand on argue d’une mesure pénalisante pour les habitants des campagnes et prises par les parisiens ! Si « pénaliser » c’est éviter des vies brisées et des drames humains, si défendre les usagers de routes mortifères c’est choisir par démagogie ou ignorance de les exposer à un surrisque quantifié, il faudra vraiment trouver des arguments costauds pour convaincre que l’on agit uniquement pour protéger ses concitoyens ! Comment ne pas s’étonner que l’on s’indigne face aux déserts médicaux ou hospitaliers et concomitamment dénigre une mesure préventive efficace.
Des recommandations d'experts
Le leitmotiv d’une perte de temps est si insignifiant que je ne développerai pas plus, puisque s’agissant de mettre en balance quelques dizaines de seconde et la vie sauve, le choix pour un professionnel de santé n’a rien de cornélien. Du même acabit que les 920 millions de recettes issues des radars face aux 50 milliards de coût de l’insécurité routière. Un truisme encore : les habitants des zones urbaines ne sont pas concernés… mais ils échangeraient volontiers les bouchons dans le centre des agglomérations limité à 30 km/h, les voies rapides ou boulevards périphériques encombrés contre une pointe à 80 km/h !
Quand la commission que je préside au Conseil National de la Sécurité Routière avait présenté et fait adopter, sur la base des publications des experts, une recommandation d’ailleurs conforme à ce que le gouvernement déploie cinq ans plus tard, je savais que la suite serait pleine d’embûches. La dérobade de Bernard Cazeneuve, alors Ministre de l’intérieur, lançant une expérimentation trop modeste pour apporter quelque élément statistiquement exploitable n’a pas contribué à préparer sereinement les esprits.
Je ne suis pas un bobo parisien !
Néanmoins, il y a fort à parier que dans quelques années, ces pasionarias opposées au 80 km/h, qui au nom de la liberté, qui au nom de la sécurité routière, qui parce qu’ils affirment que ce n’est pas « la solution » et que l’on ferait mieux de s’attaquer aux autres problèmes, seront regardées avec un regard étonné et amusé. Rien ne doit être négligé, mais il faut agir prioritairement là où c’est efficace immédiatement.
Pour couper court aux objections habituelles, je ne suis pas un bobo parisien autophobe : je suis médecin, j’exerce en province et parcours chaque année plus de 30 000 km. Je n’ai pas de conflit d’intérêts puisque ni moi, ni l’Automobile-Club Médical de France ne vivons de subsides publics. C’est donc avec fierté et conviction que je contribue à mener ce combat pour la vie.
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