À l’occasion de la journée mondiale contre la poliomyélite qui a eu lieu ce 24 octobre, certains acteurs de terrain se sont interrogés sur les effets pervers observés au cours du dernier stade de la campagne d’éradication de cette pathologie.
S’appuyant sur le succès de l’éradication de la variole dont le virus a disparu de la planète en 1977, une résolution de l’Assemblée mondiale de la santé lance en 1988 le projet d’éradication de la poliomyélite pour en faire « un cadeau du XXe siècle au XXIe siècle ». Vingt-cinq ans plus tard et après une mobilisation de moyens financiers et humains sans précédent, le nombre de cas dans le monde a diminué de façon spectaculaire, passant de 350 000 en 1988 à moins de 1 000 au début des années 2000.
L’éradication à tout prix ?
Aujourd’hui, malgré tous les efforts entrepris, il demeure encore quelques centaines de cas recensés et 3 foyers endémiques persistants (Pakistan, Afghanistan et Nigeria). Ce dernier pas (« last mile »), le docteur Hamid S. Jafari, directeur de l’Initiative mondiale pour l’éradication de la polio à l’OMS, pense qu’il est possible de le franchir prochainement et qu’« il est désormais trop tard pour faire machine arrière ».
Un avis que ne partagent pas de nombreux acteurs de terrains réunis autour d’une table ronde organisée par le Centre de réflexion sur l’action et les savoirs humanitaires (CRASH) et Médecins sans frontières (MSF). Selon Claire Magone, directrice d’études au CRASH, les difficultés actuelles que rencontre l’Initiative – foyers de résistance sociale ou réinfection dans certains pays, assassinats de vaccinateurs au Nigeria et au Pakistan – « poussent à adopter des mesures de plus en plus coercitives qui interrogent le bien-fondé d’une stratégie d’éradication à tout prix ».
Méfiances et réticences
Pour Laurent Sury, responsable des programmes d’urgence de MSF-France, « cette mobilisation intense et intrusive au sein de zones où la plupart des services de santé sont absents et où les gens ont des difficultés à faire traiter leurs enfants pour des pathologies assez communes […] est un pas vers la compréhension des réticences à la vaccination qui sont constatées parmi ces populations ».
Un avis que reprend Elisha Renne, anthropologue américaine et spécialiste de cette problématique au nord du Nigeria, pour qui « l’inexistence de soins primaires délivrés à certaines populations, associée à des exactions policières concomitantes, explique en partie leur méfiance vis-à-vis d’un programme qui est gratuit et délivré par des "riches" […] Cela fonctionnerait sans doute mieux si tout cela était intégré à d’autres soins médicaux qui leur semblent plus urgents ».
Mieux impliquer les communautés
Spécialiste de la vaccination chez MSF-France, Florence Fermon regrette en outre que « la place très forte prise par ce programme vertical » puisse entraîner « des retards d’intervention dans la lutte contre certaines épidémies comme la rougeole, lorsqu’elles surviennent en même temps et au même endroit que l’éradication de la polio ». La solution doit, pour elle aussi, passer par « une intégration à d’autres programmes de santé [pour] éviter les frictions avec les soins primaires ».
Face à ces interrogations répétées et une remise en cause du modèle adopté, le responsable du programme à l’OMS reste persuadé que la méthode est la bonne. Si le Dr Hamid S. Jafari concède qu’il est important « d’impliquer au maximum les communautés dans le processus afin qu’il soit mieux compris et mieux accepté », il tient à rappeler que les meurtres des vaccinateurs ne sont malheureusement que « des prétextes politiques » qui n’ont, en soi, « rien à voir avec l’éradication de la polio ».
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