Mediator, prothèses PIP, pilules de 4e génération, essais cliniques, Depakine… l’actualité semble apporter régulièrement son lot d’accidents médicaux. Des accidents qui nous touchent tous, tant il est vrai que chacun peut en être victime et que l’on se sent démuni face à ce qui s’apparente à une injustice : rencontrer le risque là où l’on attendait le soin.
Pourtant rien n'indique une augmentation du nombre de ces accidents mais leur médiatisation beaucoup plus importante reflète l’aversion croissante de nos sociétés à la notion même de risque. Une tendance observable dans tous les pays européens et à laquelle la loi de santé du 26 janvier 2016 apporte des réponses originales.
Une amélioration de l’indemnisation et de la prévention
Les dispositions de cette loi améliorent l’indemnisation des victimes d'accidents médicaux (création d’un dispositif d’action de groupe, délai allongé de prescription de la contamination par l’hépatite C par voie de transfusion sanguine, réexamen des demandes d’indemnisation au titre du Mediator au vu de l’évolution des connaissances scientifiques). Elles améliorent également la sécurité collective en donnant l’autorisation aux autorités sanitaires d'étudier les accidents survenus pour en tirer des enseignements de prévention.
En outre, le montant de l’indemnisation amiable des accidents médicaux en France vient d’être significativement revalorisé par l’Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux (ONIAM) : les tarifs horaires d’assistance des victimes (par des aides-soignants) ont été rehaussés au 1er janvier 2016 de 40 % à 50 %, et le montant des indemnités couvrant les préjudices physiques et psychiques a été revalorisé de 16 %.
Cette mesure d’un coût annuel de 10 millions d'euros illustre l’attention portée par l’État à l’indemnisation équitable de ces sinistres et s’inscrit dans la transformation profonde de la relation entre les acteurs de santé et le malade, que l’on observe depuis une vingtaine d’années en Europe.
La France offre un modèle original favorable aux victimes mêlant responsabilité des professionnels de santé et solidarité nationale
La France et la Belgique ont adopté, respectivement par la loi du 4 mars 2002 dite loi Kouchner et en 2007, une législation maintenant un régime de responsabilité professionnelle médicale basé sur la faute mais ouvrant la voie d’une indemnisation publique des accidents médicaux. Il s’agit d’encourager l’indemnisation amiable des accidents non fautifs lorsqu’ils entraînent des préjudices anormaux par rapport à l’état de santé antérieur du patient et aux résultats qui pouvaient être attendus de l’acte médical.
Cette procédure amiable est gratuite et plus rapide que la procédure judiciaire. Lorsque la faute est avérée, il revient à l’assureur de l’établissement ou du professionnel de santé d’indemniser l’accident. Lorsque l’accident n’est pas imputable à une faute, il est pris en charge par la solidarité nationale (l’ONIAM en France, le FAM en Belgique).
Une nouvelle étape dans l’affirmation d’une philosophie humaniste de la santé
Jusqu’à la création de l’ONIAM en 2002, le dispositif législatif était non seulement injuste mais également contre-productif vis-à-vis du système de santé.
Injuste parce qu’un décès en salle d’opération pouvait être indemnisé en cas de faute de l’anesthésiste mais pas en cas de choc anaphylactique imprévisible. Dans un système où la solidarité nationale s’engage à réparer les inégalités liées à la santé, une telle différenciation était de moins en moins supportable.
Contre-productif parce que cette différenciation polarisait la réparation des accidents médicaux sur les seuls médecins au risque de mises en cause excessives.
La possibilité d’indemnisation amiable des accidents médicaux non fautifs a permis, depuis 2002, de contenir en partie l’augmentation des primes d’assurance des médecins et de préserver la relation médecins/patients en évitant une judiciarisation excessive.
Alors que la totalité des litiges liés à des accidents médicaux graves étaient judiciarisés avant 2002, la moitié de ces conflits sont aujourd’hui résolus par le dispositif d’indemnisation amiable animé par l’ONIAM.
À l’inverse, en Europe, la notion de faute demeure majoritaire dans les systèmes de responsabilité médicale
Dans la plupart des États européens, l’indemnisation des accidents médicaux reste fondée sur la démonstration de l’existence d’une faute à l’origine du dommage. Ainsi, en Grande-Bretagne où le droit repose en grande partie sur la jurisprudence, le médecin peut s’exonérer de toute responsabilité dès lors qu’il démontre que sa pratique est « standard » sans même être la plus efficiente ou qu'elle est reconnue par un corps médical constitué, même si ce dernier est minoritaire.
Si les scandales sanitaires des années 90 ont provoqué une inflation des indemnisations au Royaume-Uni, le système britannique reste éloigné du « modèle américain » : la justice n’y alloue pas de « punish damages » (pouvant atteindre, aux États-Unis, des sommes hors de proportion avec les préjudices).
Dans les pays qui ont choisi un régime d’indemnisation directe par les pouvoirs publics, les plaintes sont facilitées mais peu indemnisées
Dans les pays scandinaves, la victime n’a pas à prouver l’existence d’une faute ni même à démontrer l’existence d’un lien de causalité entre l’acte et le préjudice. Ce sont les institutions d’expertises qui instruisent les demandes, estiment la nécessité d’indemniser sur la base d’éléments objectifs et organisent l’indemnisation, sans que la victime ou le médecin n’aient à fournir d’argumentaires.
La condition est l’existence d’une forte probabilité que le dommage ait été causé par un ensemble de critères objectifs (défaut du matériel ou de son utilisation, diagnostic incorrect, transmission de germes, accident au cours de l’examen, prescription contraire aux indications…).
Les accidents médicaux échappent ainsi, à l’exception des fautes volontaires ou négligences grossières, aux jugements des tribunaux.
Ces régimes favorisent le dépôt de plaintes mais le montant moyen des indemnisations y est, en revanche faible : ainsi, l’indemnité moyenne en Suède et en Finlande est de 10 000 euros et de 23 000 euros au Danemark contre 100 000 euros en France.
Quel que soit le régime d’indemnisation, la prise en charge des accidents médicaux répond à une attente accrue des citoyens européens
En moyenne, 80 % des personnes interrogées expriment, en Europe, une préoccupation au sujet des accidents médicaux. Un sondage réalisé en 2003 par le Conseil de l’Europe souligne des différences selon les pays. Dans les pays scandinaves, l’attente d’une indemnisation ne vient qu’en 3e position après le souhait d’explications sur l’accident survenu puis après la volonté de se voir délivrer des excuses. Dans les autres pays membres du Conseil de l’Europe, les excuses constituent l’attente prioritaire, suivie de l’indemnisation, puis des explications.
Les dispositions de la loi de modernisation de notre système de santé, l’actualisation du montant de l’indemnisation des accidents médicaux, intervenue au 1er janvier 2016, et les efforts déployés par l’ONIAM pour réduire les délais d’instruction des demandes d’indemnisation constituent, en France, une réponse tangible à cette attente.
* Directeur de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM)
Mise au point
La périménopause
Mise au point
La sclérose en plaques
Etude et Pratique
Appendicite aiguë de l’enfant : chirurgie ou antibiotiques ?
Mise au point
Le suivi des patients immunodéprimés en soins primaires