DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL
QUEL est l’impact de la crise sur les systèmes de santé des pays d’Europe ? Cette question était au cœur du forum européen de la santé qui s’est tenu à Gastein en Autriche. La France, l’Allemagne, le Danemark, la Suisse (mais aussi le Canada et les États-Unis) font partie des rares pays occidentaux à avoir vu leurs dépenses de santé continuer à croître après 2009, même si tous ont introduit des mécanismes de régulation plus ou moins contraignants. Diverses études réalisées par l’Observatoire européen des systèmes de santé et l’OCDE ont recensé les mesures d’économie privilégiées en Europe. La plupart des gouvernements ont augmenté directement les taux de cotisations ainsi que, massivement, les taxes dites comportementales sur le tabac, l’alcool ou certains aliments peu diététiques. D’autres pays (Italie, Hongrie...) ont augmenté ou élargi les assiettes de cotisations sociales. La moitié des pays ont gelé ou diminué leurs dépenses de santé.
Médecins (plutôt) ménagés.
Un enseignement : avec la crise, la participation directe ou indirecte des assurés aux frais de santé a progressé presque partout, de même que les efforts de réduction des dépenses pharmaceutiques et hospitalières.
Les médecins en revanche, explique Mike Pearson, chef de la division santé à l’OCDE, ont été relativement épargnés par les gouvernements, notamment parce qu’ils sont assez bien armés pour se défendre et qu’ils bénéficient d’une confiance large de la population. Le corps médical conserverait ainsi une sorte de « droit de veto » sur les réformes, même si la situation varie selon les pays. En Roumanie, les salaires et les honoraires des médecins ont été massivement réduits, aggravant leur émigration vers des terres plus attractives. En Allemagne à l’inverse, les médecins viennent d’obtenir des revalorisations d’honoraires, après un long bras de fer. En France, la rigueur sur les dépenses maladie limite fortement les marges de manœuvre de la CNAM dans les discussions tarifaires avec les médecins.
Et la santé publique ?
La santé des citoyens a-t-elle été protégée ? Aux yeux de certains experts, la crise aurait dû être l’occasion de développer des politiques de santé publique pour amortir le choc social. Mais c’est loin d’avoir été le cas partout. Le Pr Martin McKee, professeur de santé publique à Londres, a étudié l’impact des crises sur la santé des populations et trouvé quelques constantes. Corrélé à la perte d’emploi, le suicide progresse dans les pays les plus touchés par le chômage, de même que l’alcoolisme. À l’inverse, la mortalité routière...régresse. Il existerait aussi des effets négatifs à long terme, difficiles à mesurer. Assez fréquente, la baisse des budgets pour la santé mentale pourrait avoir de lourdes répercussions.
Partenaire du forum de Gastein, la commission européenne a prétendu, par la voix de son commissaire à la santé John Dalli, qu’une « bonne discipline financière dans le domaine de la santé »...pouvait permettre « beaucoup d’économies sans réduire les prestations ». La commission s’apprête à présenter un plan pour promouvoir les nouvelles technologies de la santé, notamment la télémédecine et les applications santé pour smartphones.
Mise en concurrence.
Le forum de Gastein a permis de faire le point sur les diverses réformes santé en cours en Europe.
Très commentée, la réforme du système de santé néerlandais a placé les caisses maladie en concurrence, lesquelles achètent dorénavant des soins aux prestataires libéraux ou publics, selon les règles du marché. Le système a permis de réduire certains coûts - notamment administratifs - et de stabiliser les dépenses de soins, au prix de contrôles stricts.
D’une manière générale, les achats de prestations au meilleur prix (dans le cadre de réseaux par exemple) et la contractualisation entre les caisses et les professionnels constituent des tendances lourdes en Europe. Mais gare aux dépassements des objectifs fixés ! En Estonie, si les professionnels sortent des enveloppes allouées, ils ne touchent que 30 % de la valeur des actes ou des produits fournis.
Autre maître mot des politiques contemporaines : la productivité des systèmes de santé qu’il faut accroître. Il s’agit d’améliorer l’efficience des acteurs (hôpitaux, médecins de ville...) et l’organisation des parcours de soins, de réduire les gaspillages, les actes inutiles... Le National Health britannique (NHS) a fait de cet objectif l’axe central de sa modernisation.
Échecs.
Certaines réformes s’achèvent par des fiascos. Fin 2011, le gouvernement polonais a voulu forcer les médecins à vérifier, avant toute prescription, que le patient disposait d’une assurance-maladie incluant les remboursements de médicaments, ce qui n’est pas automatique. Cette politique tatillonne et bureaucratique a suscité une telle fronde médicale que le gouvernement a dû battre en retraite…et concevoir un logiciel automatique pour vérifier les affiliations des patients. « Cette affaire a entraîné un incroyable gâchis d’énergie pour tenter de lutter contre des fraudes minimes », se désole le Pr Wlodarczyk, professeur de santé publique à Cracovie pour qui « c’est l’exemple type de ce qu’il ne faut pas faire ».
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