IDENTIFIER des cibles moléculaires précises pour ensuite les développer en parallèle dans toutes les maladies impliquant ce processus, tel est le credo des Laboratoires Novartis. « Nous avons doublé notre taux de preuve du concept », s’enthousiasme Mark Fishman, président de l’Institut de Cambridge pour la recherche biomédicale (États-Unis), qui estime gagner un à deux ans sur le développement clinique classique d’une molécule. « Preuve du concept », c’est d’ailleurs le nom de cette stratégie développée par le Laboratoire qui consiste, en pratique, d’une part, à fusionner les phases I et II de recherche clinique, d’autre part, à assurer par la suite le développement de plusieurs indications en parallèle.
Une approche moléculaire qui se base, au tout début de la recherche clinique, sur des essais de très petite taille (moins de dix individus), impliquant des populations de patients bien définies… Ici, pas de sujet sain, donc, mais la validation de la pertinence des hypothèses sur le mécanisme d’action d’une nouvelle molécule, en même temps que l’obtention des premières données d’efficacité et de tolérance. Ainsi, les chercheurs du centre de Cambridge se plaisent à raconter l’histoire, toujours en cours, du développement du canakinumab (Ilaris), un anticorps anti-IL-1ß, dans les maladies anti-inflammatoires. « Nous avons identifié une population souffrant d’une maladie génétique rare, le CAPS (syndrome périodique associé à la cryopyrine), qui conduit à une surproduction d’IL-1ß, provoquant arthrite et insuffisance rénale. Lorsque nous avons testé cette molécule d’abord sur un, puis sur quatre patients, les résultats ont été spectaculaires : six heures après l’injection, le premier patient de trente-trois ans allait mieux. » En plein dans le mille pour cette maladie au profil génétique bien identifié. Des résultats qui se sont confirmés, avec un succès de 97 % dans le dossier d’enregistrement (1), qui a conduit à la première obtention d’AMM dans cette maladie (2), fin 2009.
La phase suivante a donc été une recherche d’extension dans toutes les maladies mettant en jeu la surproduction d’IL-1 : l’arthrite juvénile idiopathique, la goutte, mais aussi la BPCO, le diabète de type 2 et même l’athérosclérose ; « en effet sa forme persistante pourrait être due à des cristaux de cholestérol », considère Mark Fishman.
« Une vingtaine de nœuds moléculaires ».
De la même manière, en cancérologie, un travail sur le syndrome de Gorlin (ou nævomatose basocellulaire), mutation héréditaire rare du gène PTCH1 entraînant une activation continue de la voie de Hedgehog, a permis la mise au point d’une molécule prometteuse… Qui est actuellement en développement dans des tumeurs solides impliquant la voie de Hedgehog, parmi lesquelles médulloblastomes et carcinomes basocellulaires.
Cette spécialité médicale reste un domaine prioritaire de recherche pour Novartis qui considère, là encore, que l’identification de mécanismes moléculaires clés permettra de développer des biothérapies actives dans plusieurs pathologies différentes. « La nature est très conservatrice. Il y a en cancérologie un petit nombre de voies moléculaires qui reviennent toujours. Selon nous, il y a moins de cinquante nœuds moléculaires intéressants où tout se passe, peut-être vingt », ajoute Mark Fishman.
Au-delà des discours enthousiastes entendus dans ce centre de recherche, dont la visite était organisée à l’occasion d’un symposium international sur la recherche biomédicale face aux inégalités de santé dans le monde, les investissements du laboratoire Novartis font figure d’exception parmi les big pharma, plutôt à l’heure des coupes, et ont continué d’augmenter pour atteindre 20 % du chiffre d’affaires. « Depuis une dizaine d’années, le monde a changé pour l’industrie pharmaceutique. À l’époque, le potentiel d’innovation paraissait phénoménal. Mais l’excellent succès des firmes a semblé mettre entre parenthèses la nécessité d’investissement. Il y a de nombreuses maladies que l’on pourrait traiter, sans le faire, observe Mark Keating : les maladies rares, les maladies affectant certaines populations particulières et les déficiences physiologiques qui ne sont pas reconnues comme étant des maladies, par exemple le processus de vieillissement. » Un domaine qui semble intéresser le laboratoire, qui a cité notamment le traitement de la surdité et de la faiblesse musculaire liées à l’âge dans ses domaines de recherche.
D’après un symposium organisé par Novartis Institutes for BioMedical Reasearch (NIBR), mai 2011 à Cambridge, MA, États-Unis.
(1) Lachmann HJ, Kone-Paut I, Kuemmerle-Deschner JB, et coll. Use of Canakinumab in the Cryopyrin-Associated Periodic Syndrome. N Engl J Med 2009;360:2416-25.
(2) source : avis HAS février 2010.
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