QU’IL ÉVOQUE l’organisation matriarcale de la société des éléphants, la variation inversement proportionnelle à la température environnementale de la taille des premiers chevaux, la plasticité cérébrale, la mémoire, les syndromes post traumatiques, les douleurs du membre fantôme, les corneilles de Nouvelle-Calédonie, les chimpanzés de Côte d’Ivoire ou le chant des moineaux du Japon, Jean-Claude Ameisen commence par les mots qui parlent à tous : ceux de la littérature et de la poésie. Ainsi, Aimé Césaire, Pascal Quignard, TS Eliot, Marcel Proust, Emily Dickinson et bien d’autres ouvrent, par leurs propos, la voie aux interrogations puis aux réponses scientifiques. Pas comme des prétextes ou des citations opportunes mais pour nous faire entrevoir la nécessaire dimension imaginaire de la recherche et la concordance du questionnement sur le vivant, qu’il naisse dans la tête des poètes ou dans celle des biologistes. Mais la contribution des artistes ne s’arrête pas à l’introduction : l’auteur fait se côtoyer la vérité entrevue par la sensibilité du poète et la démonstration par le fait scientifique, cohabiter l’émotion exprimée par les mots de la littérature avec les intuitions des chercheurs. Le lecteur est aussi passionné que l’auditeur a été conquis par ce voyage dans le savoir. Médusé par ces merveilles du vivant observées avec une telle sensible et érudite acuité. Mais cette savante méditation poético-scientifique n’est pas pur divertissement. À la manière des contes philosophiques, elle sait aussi nous engager sur les sentiers de la réflexion éthique, « sur les épaules des géants, pour voir plus loin. Et redécouvrir, ensemble, notre commune humanité », nous dit cet immunologiste de Paris VII, préoccupé d’éthique depuis toujours qui est aujourd’hui pressenti pour être le nouveau Président du Comité consultatif national d’éthique.
Jean Claude Ameisen, Sur les épaules de Darwin, Les battements du temps, Éditions Les liens qui libèrent, 442 pages, 22,50 euros.
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