Optimiser les résultats de la chirurgie de l'épilepsie focale avec le développement d'un cerveau virtuel, c'est l'un des objectifs phares poursuivis par un consortium de recherche coordonné par le Pr Fabrice Bartolomei à Marseille (AP-HM/Université Aix Marseille/INSERM). Ce logiciel de pointe, qui vise à modéliser les réseaux épileptogènes avec une personnalisation à chaque patient, va passer l'épreuve du feu dans le projet EPINOV.
Ce projet de recherche labellisé recherche hospitalo-universitaire (RHU), unique en son genre, - l'Institut de Neurosciences des Systèmes (INS) de Marseille étant le seul au monde à travailler sur un cerveau virtuel dans l'épilepsie -, vient d'être lancé officiellement début janvier. EPINOV fait partie de la troisème vague de projets soutenus par le programme d’investissements d’avenir
Les résultats de la chirurgie de l'épilepsie focale pharmacorésistante restent figés aux alentours de 50 %. « Environ 30 à 40 % des épilepsies focales sont pharmacorésistantes, explique le Pr Fabrice Bartolomei. Ce chiffre a peu bougé ces dernières années malgré l'élargissement de l'arsenal d'antiépileptiques. Avec un tiers à 1/4 des patients potentiellement opérables, le cerveau virtuel pourrait en théorie être utile à environ 20 000 candidats à la chirurgie en France ».
Une modélisation avec personnalisation
Le retentissement d'une épilepsie résistante est lourd, lié à la fois au risque de chutes, de blessures voire de mort subite, mais aussi aux difficultés cognitives et aux troubles psychiatriques. « Le phénomène épileptique s'inscrit dans la physiologie des patients, explique le Pr Bartolomei. Les réseaux normaux de la mémoire se modifient, les troubles émotionnels sont très fréquents ».
Le cerveau virtuel, c'est avant tout des mathématiques, puisque la démarche de modélisation repose sur la personnalisation des paramètres du modèle. « Les crises, c'est un jeu d'interactions très complexes à interpréter, explique le Pr Bartolomei. Pour hiérarchiser l'épileptogénicité des zones épileptiques, il faut prendre en considération l'excitabilité plus ou moins forte de chaque nœud et la connectivité structurale ».
Actuellement, le bilan préchirurgical repose sur l'interprétation subjective de la stéréo EEG, cet EEG très particulier consistant à enregistrer l'activité électrique avec une quinzaine d'électrodes implantées dans le cerveau, 24 heures/24 pendant 15 jours en hospitalisation.
L'intérêt du cerveau virtuel est de pouvoir être personnalisé aux données de stéréoEEG et d'IRM de chaque patient dans l'objectif de reproduire le plus fidèlement possible la naissance et le cheminement des crises. « L'IRM de diffusion renseigne sur ce que l'on appelle le connectome, explique le Pr Bartolomei. La connectivité structurale guide la propagation dans le cerveau épileptique ».
Un essai clinique en 2019
Actuellement, la première étape du projet EPINOV consiste à personamliser ces modèles. « Ensuite, en 2019, un essai clinique randomisé à 2 bras sera lancé pour 4 ans dans 11 centres français chez 350 patients, annonce le Pr Bartolomei. L'objectif est d'étudier comment le cerveau virtuel modifie la décision chirurgicale ».
Des données préliminaires d'études rétrospectives sur une quinzaine de patients montrent que le cerveau virtuel révèle des régions ignorées par le clinicien. « Plus la différence entre l'interprétation du clinicien et celle du cerveau virtuel est grande, moins bon est le pronostic, explique le chercheur neurologue. Ces résultats laissent penser que certaines informations manquent au clinicien ».
Outre le bilan préchirurgical, le cerveau virtuel pourrait être utile pour prédire les résultats dans la stimulation cérébrale profonde, une autre approche dans l'épilepsie réfractaire, actuellement testée en France dans le noyau antérieur du thalamus.
À terme, l'idéal serait d'avoir un cerveau virtuel sans avoir recours à l'examen invasif de la stéréoEEG et seulement à partir des données non invasives comme l'EEG. « Potentiellement, c'est faisable », espère le Pr Bartolomei.
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