Est-ce la découverte tant attendue du premier médicament qui protège de l'apparition de la maladie d'Alzheimer ? Après de nombreux espoirs déçus ces dernières années, la perspective, jusque-là très lointaine, d'un traitement préventif du processus neurodégénératif semble se rapprocher, comme le suggèrent les travaux sur le bexarotène publiés dans « Sciences Advances » par des chercheurs des universités de Cambridge, de Lund et de Groningen.
L'équipe britannico-néerlandaise dirigée par le Pr Michele Vendruscolo (Cambridge) montre in vitro et chez le nématode C. elegans comment cet antinéoplasique est capable d'empêcher à un stade précoce la formation d'agrégats bêta amyloïde. Par analogie aux statines qui empêchent la formation de plaques athéroscléreuses en diminuant le cholestérol, les auteurs qualifient le bexarotène de « neurostatine ».
Des prescriptions hors AMM outre-atlantique
L'utilisation en préventif du bexarotène (Targretin), ce rétinoïde de 3e génération qui a une AMM dans les lymphomes cutanés T, a de quoi surprendre. Du fait de sa toxicité, la molécule vaut-elle le coup ? Pourtant, le bexarotène n'en est pas à son premier coup d'essai dans le traitement de la maladie d'Alzheimer. Il a même été à l'origine d'une vive polémique en 2013 quand des chercheurs ont démenti dans « Science » les résultats spectaculaires d'une étude publiée un an plus tôt dans la même revue.
À l'époque, la molécule avait été testée chez la souris en curatif. L'équipe de Gary Landreth de la Case Western Reserve University School of Medicine (Ohio) avait rapporté une diminution de 50 % des plaques amyloïdes au bout de trois jours et de 75 % au bout de 2 semaines. Dans une publication commune dans la revue « Science », quatre équipes indépendantes ont contrecarré les espoirs soulevés alors, en ne retrouvant pas les mêmes résultats dans 3 modèles de souris. L'affaire avait fait couler beaucoup d'encre à l'époque car outre-atlantique certains médecins auraient prescrit hors AMM à certains patients déments. Pour l'équipe britannico-néerlandaise, la description des mécanismes moléculaires en jeu est un atout indéniable pour convaincre.
L'étape clef de la nucléation primaire
Dans cette nouvelle étude, des chercheurs montrent que le bexarotène agit très précocement en bloquant la nucléation primaire, cette première étape de la cascade qui conduit à la mort cellulaire. La nucléation primaire se produit quand les protéines bêta se plient de manière anormale et forment ensuite des plaques amyloïdes. Au cours de ce processus, se forment également des oligomères, hautement neurotoxiques.
Dans un modèle de nématode, en administrant des doses croissantes de bexarotène, les chercheurs sont parvenus à retarder de plus en plus la formation de plaques amyloïdes jusqu'à l'inhiber complètement.
« L'organisme dispose d'une multitude de défenses naturelles pour se protéger de la neurodégénération, mais avec l'âge, ces défenses diminuent progressivement et peuvent être dépassées, a expliqué le Pr Vendruscolo, l'auteur principal. En comprenant comment ces défenses naturelles fonctionnent, il devrait être possible de les suppléer en mettant au point des médicaments qui se comportent de façon identique ».
Le bon « timing » en question
Pour les chercheurs, l'important est d'avoir mis à jour le mécanisme en jeu. Les auteurs se démarquent des études précédentes par un mode d'action différent. Alors que ces dernières avaient pour objectif la clairance des agrégats, l'idée était ici différente. « Même si la molécule est efficace mais que l'on cible la mauvaise étape du processus, les choses peuvent s'aggraver en repoussant l'agrégation ailleurs, a commenté le Pr Chris Dobson, de l'université de Cambridge et co-auteur. (...) Toutes les molécules des essais précédents ne sont pas nécessairement inefficaces, mais il se peut que, dans certains cas, le "timing" d'administration n'était pas le bon ».
Si le bexarotène est la seule molécule qui a donné les premières preuves, d'autres pourraient l'être et avec une toxicité moins importante. L'équipe a fait le tour de plus de 10 000 molécules interagissant de près ou de loin avec les plaques bêta amyloïdes. Le tramiprosate, déjà expérimenté dans la maladie d'Alzheimer, a été testé par l'équipe, mais sans succès. « Dans notre cas, ce qu'(une molécule) doit faire, c'est d'empêcher la nucléation primaire, c'est l'objectif de n'importe quelle molécule de type neurostatine, a expliqué le Pr Vendruscolo. La seule façon réaliste de freiner l'explosion (du nombre d'individus atteints d'Alzheimer) passe par les mesures préventives : traiter la maladie d'Azheimer seulement après les symptômes va déborder les systèmes de soins à travers le monde ».
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