Le syndrome de CLOVES est une maladie monogénique rare, que sait-on de son incidence ?
C'est tout le problème : nous n'en avons aucune idée ! Il y a environ 180 syndromes génétiquement prouvés en France. La grosse difficulté, c'est que la mutation « gain de fonction » du gène PIK3CA à l'origine de la pathologie apparaît au cours de l'embryogenèse, et que cela crée une grande variabilité dans l'expression de la maladie.
Si la mutation apparaît tôt dans la vie embryonnaire, les manifestations cliniques sont très sévères. Au contraire, une apparition plus tardive est associée à une manifestation clinique plus localisée qui, la plupart du temps, n'est pas identifiée comme un syndrome de CLOVES. C'est un problème pour les familles qui connaissent une longue errance thérapeutique. Il faudrait que les pédiatres, les chirurgiens à qui l'on demande de retirer des excroissances ou les généralistes soient sensibilisés à ces pathologies déformantes et n'hésitent pas à envoyer les enfants vers des centres experts.
Pour répondre à votre question, on estime qu'il y a entre 1 000 et 1 200 patients en France. Récemment, plusieurs papiers ont montré que d'autres syndromes sont liés à une mutation de PIK3CA. Peut-être pourraient-ils intégrer ce groupe de pathologies et bénéficier du traitement.
Qu'est ce qui vous a amené à tester le BYL719 dans cette indication ?
Cette molécule cible la phosphoinositide 3-kinase produite par le gène PIK3CA. Ce dernier est fréquemment muté dans des cancers, aussi l'inhibition de la phosphoinositide 3-kinase représente un enjeu pour l'industrie pharmaceutique. Il se trouve que l'inhibiteur développé par Novartis, le BYL719, est déjà engagé dans des études de phase I ou II. J'ai contacté le laboratoire qui m'a autorisé à l'utiliser à titre compassionnel chez notre premier patient de 29 ans. L'amélioration de son état clinique nous a conduit à inclure une deuxième patiente de 9 ans souffrant de malformations vasculaires rénales avec envahissement de l'intestin, puis 17 autres patients.
Comment les avez-vous sélectionnés ?
Le premier critère de sélection était un pronostic vital ou fonctionnel engagé. Nous avons repris les dossiers des 100 patients suivis à Necker et choisi ceux qui devaient subir une chirurgie délabrante ou la résection d'un organe. Chez un des enfants, on envisageait de retirer un bras et une partie du Thorax. Grâce au traitement, aucune de ces opérations n'a eu lieu.
En inhibant la phosphoinositide 3-kinase, on pouvait s'attendre à ce que la croissance des malformations vasculaires soit inhibée, mais qu'est ce qui explique la régression décrite dans votre article ?
On ne sait pas encore. Je pensais qu'on allait simplement arrêter la progression de la maladie car dans notre modèle murin, la molécule ne provoquait pas de mort cellulaire excessive ou de nécrose, ce qui est troublant d'ailleurs. Les proliférations vasculaires sont anarchiques : elles se bouchent et saignent régulièrement. On pouvait imaginer qu'un blocage de la synthèse de phosphoinositide 3-kinase provoque des nécroses et des occlusions vasculaires mais ce n'est pas ce que nous avons observé : les excroissances diminuent tout simplement. Nous devons encore travailler pour comprendre les mécanismes.
Il semble y avoir des points communs entre le syndrome de CLOVES et les pathologies cancéreuses. Est-ce que, comme dans le cancer, il y a un moment où le BYL719 devient inefficace ?
Nous avons un recul d'un peu plus d'un an à 2 ans et demi. Pour le moment, on n'a pas observé de phénomène de plateau, même chez le patient le plus ancien. Cliniquement, on n'a pas observé de résistance liée à l'apparition de nouvelles mutations. Avec notre modèle murin, nous travaillons sur de nouvelles cibles thérapeutiques, avec des pistes intéressantes.
Quelle est la suite pour vous ? Novartis s'est montré intéressé par cette nouvelle indication ?
On espère qu'il y aura des suites dans cette indication-là. Pour l'instant, on ne sait pas si ce traitement fonctionne en oncologie et si son développement va se poursuivre. En tout cas, avec une efficacité aussi spectaculaire dans le syndrome de CLOVES, une maladie rare et orpheline, il faut tout faire pour qu'il arrive au bout !
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