Une greffe des deux mains a été réalisée pour la première fois chez un enfant de 8 ans. 18 mois plus tard, l'équipe présente dans la revue « Lancet Child & Adolescent Health » les résultats positifs de cette opération.
Ce garçon a été choisi du fait de son profil particulier. Il avait en effet été victime d’une septicémie à l’âge de 2 ans, qui avait conduit à l’amputation de ses deux mains et ses deux pieds, et à une insuffisance rénale. Il avait reçu une greffe de rein à l’âge de 4 ans, et était donc déjà sous traitement immunosuppresseur (IS), sans stéroïdes. Il n’avait pas connu d’épisode de rejet du rein greffé, ni d’hypertension artérielle, d’hyperlipidémie ou de protéinurie. Les tentatives d’utilisation de prothèses n’avaient pas fonctionné pour les membres supérieurs, l’enfant préférant se débrouiller avec ses membres résiduels.
10 h 40 d’opération
La transplantation a eu lieu en juillet 2015, quand un donneur compatible a été identifié sur le registre. Quatre équipes ont travaillé simultanément sur le donneur et le receveur, et l’opération a duré 10 heures et 40 minutes. Six jours après, l’enfant a commencé une rééducation, adaptée à son jeune âge. En quelques jours, il pouvait bouger les doigts en utilisant les ligaments de ses membres résiduels. Six mois plus tard, il pouvait bouger les muscles de ses mains greffées et ressentir un léger toucher sur les mains. Il était aussi capable d’utiliser un couteau et une fourchette pour manger, et un stylo pour écrire. À 8 mois, il pouvait utiliser des ciseaux et à un an, une batte de baseball, avec les deux mains.
Plusieurs épisodes de rejet
Le patient et sa mère étaient régulièrement en contact avec un psychologue et un travailleur social pour faciliter l’acceptation de la greffe et le retour à l’école. Avant la greffe des deux mains, Zion s’aidait de ses moignons pour s’habiller, se nourrir et se laver. Si sa fonction manuelle est maintenant meilleure qu’avant, il s’est quand même passé 6 mois pendant lesquels ses capacités étaient réduites par rapport à avant la chirurgie, notent les auteurs. Le protocole IS comprenait de la thymoglobuline, du tacrolimus, de la prednisone et du mofetil de mycophenolate. Le petit garçon a subi 8 épisodes de rejet suite à l’opération, dont deux épisodes sévères, à 4 et 7 mois, et son traitement IS a donc dû être adapté en conséquence. Il a aussi fait face à quelques infections mineures. Et son taux de créatinine sérique a été ponctuellement multiplié par deux, nécessitant une modification du traitement IS.
Modification des connexions neuronales
Cette greffe de membres chez un enfant présentait un intérêt scientifique supplémentaire. Chez l’adulte, il ne s’agit que d’une réactivation d’un contrôle moteur déjà mature, alors que dans le cerveau en développement d’un enfant, il pouvait y avoir une redéfinition de la carte corticale correspondant au contrôle moteur et sensitif des mains. Et en effet, l’imagerie neurofonctionnelle a montré une réorganisation corticale somatosensorielle. Les auteurs soulignent que cette capacité pourrait présenter un avantage pour mieux récupérer la fonction chez l’enfant – mais que la rééducation prolongée peut en revanche être un défi chez un patient aussi jeune.
Une preuve de concept
Ce type de greffe avait déjà été réalisée chez des adultes ou, pour des enfants, dans le cas de vrais jumeaux. « Notre étude montre que la greffe est possible quand elle est soigneusement réalisée et réalisée avec une équipe de chirurgiens, de spécialistes de la transplantation et de la rééducation, de travailleurs sociaux, et de psychologues », indique le Dr Sandra Amaral, premier auteur et néphrologue à l’hôpital pour enfants de Philadelphie. « Dix-hui mois après, l’enfant est plus indépendant et capable de réaliser seul des activités quotidiennes et il continue à améliorer sa fonction manuelle. Mais même si les résultats fonctionnels sont positifs, cette chirurgie a été très demandeuse pour l’enfant et sa famille ». Si cette greffe peut être considérée comme réussie, la récupération fonctionnelle et neurologique à long terme, ainsi que les potentiels effets secondaires des traitements et les séquelles psychologiques doivent encore être évalués. De plus, il n’est pas possible de savoir si, pour ce patient particulier, l’élévation de la créatinine après la greffe a affecté la fonction rénale et la durée de vie du greffon. Les auteurs soulignent donc que la balance bénéfices/risques doit être particulièrement bien évaluée pour les enfants qui ne sont pas déjà sous IS.
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