« UNE nouvelle vague d’émancipation est en train d’arriver dans le port de la recherche sanitaire, pour les gens que les médecins appellent des patients, a indiqué Greg Biggers, PDG de l’entreprise Genomera - une plateforme informatique de recherche - et porte-parole de l’association Genetic Alliance - un réseau d’organisations sanitaires, lors d’une réunion de la commission présidentielle américaine pour l’étude des questions de bioéthique. Nous avons tendance à juste les appeler des personnes. » Cette nouvelle vague est portée par l’avancée de la génomique et par le Web 2.0.
« Des modèles informatiques émergent qui soutiennent l’activité individuelle et la collaboration de masse par l’intermédiaire des réseaux sociaux sanitaires et des projets de recherche en externalisation ouverte (crowdsourcing) », a déclaré, de son côté, Melanie Swan, fondatrice de DIY Genomics, une organisation de recherche à but non lucratif, à la conférence de l’association pour l’avancement de l’intelligence artificielle (AAAI). Ces modèles permettent aux internautes de partager et de gérer l’utilisation de leurs informations génétiques et médicales en ligne, d’organiser des collections d’échantillons biologiques et de jouer un rôle actif pour accélérer la recherche et améliorer les traitements.
Les collaborations prennent diverses formes.
PatientsLikeMe (PLM), un site commercial créé en 2004, est accessible gratuitement aux patients qui peuvent y enregistrer leurs données sanitaires mais aussi leurs expériences de la maladie, peuvent les comparer à celles des autres ou s’enrôler dans des études. Le site qui accueille plus de 165 000 patients et plus de 1 000 maladies vend l’accès aux informations collectées à l’industrie pharmaceutique.
« Par essence, indique au « Quotidien », Paul Wicks, directeur de la recherche et du développement à PLM, PatientsLikeMe est une plateforme de recherche clinique qui peut fournir, en temps réel, une évaluation des besoins et de l’efficacité des traitements. »
Bruno Leroy, vice-président en charge du développement de solutions santé centrées sur les patients chez Sanofi, est l’un des clients de PatientsLikeMe. Avec ses collaborateurs, il a utilisé la plateforme de PLM pour effectuer une enquête sur les carences dans les services aux personnes atteintes de sclérose en plaques. « Le principal avantage de PLM, souligne-t-il pour « le Quotidien », est qu’il permet aux patients d’enregistrer leurs données d’une manière très rigoureuse. C’est un système extrêmement innovant, très transparent pour les autres patients. »
Jasmine Alfalahi, une Suédoise souffrant de sclérose en plaques, utilise PLM. Elle indique au Quotidien : « Je veux qu’ils utilisent les informations que je leur fournis pour aider d’autres gens. Je veux que cela soit utile. » Mais elle avoue qu’elle souhaiterait être mieux informée : « J’aimerais qu’ils me disent quand ils utilisent mes données et qu’ils partagent les résultats de la recherche qui a été effectuée », admet-elle.
Une banque de donnée gérée par des patients.
C’est le désir de partenariat qui guide aujourd’hui des communautés associatives de « personnes ayant reçu un diagnostic », selon l’expression de Greg Biggers. Celles-ci veulent non seulement influencer la recherche médicale mais aussi en recueillir plus directement les fruits. L’un des pionniers de cette démarche aux États-Unis est PXE International. Créé en 1995 par une famille dont deux enfants sont affectés d’une maladie rare, le pseudoxanthome élastique, PXE International a contribué à la découverte du gène responsable de la maladie en l’an 2000. Cette association a également participé au développement d’un test diagnostic et a créé la première banque de données biologiques gérée par des patients. PXE International et d’autres associations ont créé en 2003 une infrastructure partagée de biobanques et de registres associés gérés par les participants. Cette dernière a fusionné en 2008 avec le réseau Genetic Alliance et rassemble maintenant 10 000 organisations parmi lesquelles des universités, des compagnies privées, des agences gouvernementales, des organisations d’intérêt public et 1 200 associations représentant des pathologies diverses.
Les initiatives de recherche ne se limitent pas aux malades. DIY Genomics, par exemple, fondée en mars 2010 par Melanie Swan, organisation dédiée à la prévention et au bien-être, invite les personnes détentrices d’une analyse commerciale de leur génome personnel, à participer à des études destinées à trouver le moyen de compenser ou de prévenir les effets des mutations potentiellement délétères. Les études sont réalisées par externalisation ouverte sur des plateformes informatiques automatisées comme celle de Genomera. Le coût des études et des analyses incombent aux participants. Jusqu’à présent, une dizaine de projets ont été lancés par DIY Genomics et ont été limités pour la plupart à une ou deux dizaines de volontaires.
Grandes cohortes.
Elissa Weitzman, professeure adjointe à l’hôpital des enfants de Boston, pense qu’un nombre de plus en plus important d’études cliniques passera par la Toile. Elle a elle-même utilisé des plateformes regroupant un grand nombre de malades chroniques comme PLM. Elle en explique les avantages au « Quotidien » : « Les plateformes sur la Toile offre la possibilité d’engager de très grandes cohortes (...donnent) accès à des individus qui ne peuvent pas être contactés facilement (…), à des populations auto identifiées (…) autour d’un problème de santé ou d’une maladie (… et) la possibilité de communiquer avec la cohorte, ce qui n’est souvent pas possible avec les méthodes traditionnelles. »
Pour les défenseurs du modèle informatique, la communication avec les sujets d’une étude permet de tenir compte de l’évolution de leurs besoins et de celui des chercheurs dans le temps et pourrait éviter le recours à l’anonymisation des données.
Ce modèle a pourtant une limitation importante comme l’indique Bruno Leroy, c’est qu’ « on ne sait pas qui partage. » Elissa Weitzman récapitule les conditions nécessaires au succès de la recherche par le Web : « Si l’on veut conserver l’élan vers l’avant et ne pas violer la confiance, (...) nous devrons assurer la validité et la fiabilité des données et des garanties appropriées de confidentialité et de sécurité, souligne-t-elle. Les questions d’éthique devront inclure la surveillance et aussi la gestion des attentes et du consentement. »
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