Sept mois de négociations et un accord à l'arraché

Une convention à 1,3 milliard d'euros sur fond de colère 

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Publié le 19/12/2016
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Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

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La négociation de la convention aura été un feuilleton à suspense avec son dénouement inattendu. 

Dans un contexte d'exaspération médicale autour de la loi de santé, rien n'était gagné d'avance. L'accord majoritaire a été rendu possible grâce à l'adhésion de la Fédération des médecins de France (FMF), qui semblait pourtant destinée à rejeter cette convention. Quelques jours avant la date butoir, la FMF signait le 25 août avec MG France et Le BLOC, mettant un terme à sept mois de discussions avec le directeur de l'assurance-maladie, Nicolas Revel, qui aura mené avec succès ses premières « négos ». Tout au long de ce cycle, Marisol Touraine sera restée très discrète...

Constituée de 90 articles et 460 pages, la convention – publiée officiellement le 23 octobre – représente un investissement d'1,3 milliard d'euros en année pleine en dépenses remboursables (dont près d'un milliard d'euros pour la seule assurance-maladie), lorsque toutes les mesures seront en vigueur (2019).

Bras de fer sur le C 

Loin d'en finir avec le mille-feuille tarifaire, cette convention se révèle être un texte complexe, touffu, fruit de tractations catégorielles et d'un savant équilibre. Si l'accord donne la priorité à la médecine générale (deux tiers des revalorisations), sa portée ne pourra être mesurée qu'à terme, plusieurs dispositions étant programmées en 2017 ou 2018.

L'augmentation en mai 2017 de la consultation de base à 25 euros par le biais d'une majoration (MMG) réservée aux seuls généralistes et MEP à tarifs opposables a occupé le devant de la scène. Présenté comme une mesure d'équité tarifaire, ce point a permis d'emporter l'adhésion de MG France, dans un climat de guérilla sur les honoraires (lire page 3). De forte portée symbolique, cette revalorisation a aussi un impact financier significatif puisque la consultation de référence a concerné 235 millions d'actes en 2015. Selon l'assurance-maladie, l'impact moyen de la convention représentera 16 000 euros d'honoraires supplémentaires par généraliste et par an.

Nouvelle grille 

La principale nouveauté reste la hiérarchisation des consultations en fonction de leur complexité. Au-delà de l'acte de base, la convention a retenu trois ensembles tarifaires permettant schématiquement de valoriser toutes les consultations coordonnées dès juillet 2017 (30 euros ), mais aussi les actes « complexes » (46 euros) et « très complexes » (60 euros), au 1er novembre 2017 seulement.

Cette refonte clinique n'a pas permis d'emporter la signature de la CSMF et du SML. Ce dernier a rejeté l'accord à 95 %, estimant qu'il « clivait » la profession et constituait une « discrimination » pour les praticiens de secteur II, écartés des revalorisations. Pour la CSMF, dont la branche spécialiste était très hostile à l'accord, les consultations complexes et très complexes se révèlent trop restreintes et trop faibles, dénaturant cette hiérarchisation pourtant attendue de longue date.  

Du neuf pour les plateaux techniques

Le patron de l'assurance-maladie a en revanche su convaincre Le BLOC, majoritaire chez les spécialistes de plateaux techniques lourds, grâce à des revalorisations ciblées et des négociations directes. Il a donné son accord pour relever les tarifs opposables des chirurgiens et des obstétriciens (modificateurs J et K) qui s'engagent à modérer leurs dépassements dans le cadre de la future option de pratique tarifaire maîtrisée (OPTAM) spécifiquement créée pour ces deux spécialités. Quelque 250 actes supplémentaires bénéficieront des modificateurs J (6,5 %) et K (20 %). Un bonus de 80 euros sera mis en place pour les actes qui présentent une urgence vitale ou d'organes – réalisés en nuit profonde ou dans la journée dans un délai de six heures.

ROSP new-look

La CNAM a aménagé la rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP) avec de nouveaux indicateurs. Ce paiement à la performance reposera désormais sur un total de 1 000 points (contre 940) et comprendra des thèmes tels que le dépistage du cancer colorectal, le tabac ou l'alcool.

Plusieurs dispositifs renforcent l'attractivité de l'exercice libéral. Une aide à l'installation (50 000 euros versés en deux fois) sera créée au 1er janvier 2017 pour les médecins s'engageant à exercer pendant trois ans dans une zone sous-dotée et en groupe. Deux nouveaux forfaits « structure » et « patientèle » sont programmés (encadré). 

Côté protection sociale, le régime ASV a été sanctuarisé avec la prise en charge aux deux tiers des cotisations par la Sécu pour les praticiens de secteur I. Une nouvelle protection maternité (3 100 euros par mois pendant trois mois) verra le jour pour les femmes médecins libérales à tarif opposable.

Prochaine étape : la signature de deux avenants sur le médecin traitant de l'enfant et la rémunération de la télémédecine. Le feuilleton continue.   

Christophe Gattuso

Source : Le Quotidien du médecin: 9544