À la demande d'Agnès Buzyn et Frédérique Vidal, le Pr Serge Uzan a remis ce lundi aux deux ministres de la Santé et de l'Enseignement supérieur son rapport sur la recertification des médecins, en sa qualité de président du comité de pilotage ad hoc.
Dans ce document, le doyen honoraire de la faculté de médecine Pierre et Marie Curie trace les grandes lignes d'une réforme en profondeur de la formation médicale tout au long de la vie. Objectif : proposer aux professionnels d'entretenir leurs compétences par une démarche de qualité « simple et attractive », adaptée à leur pratique médicale et à leur parcours professionnel.
Si rien n'est définitif, les préconisations de la mission devraient inspirer les ministres de la Santé et de l'Enseignement. Le Pr Uzan leur suggère à ce titre une expérimentation de la procédure dès 2019.
• Tous concernés, obligation pour les nouveaux diplômés (2021)
La mission préconise une évaluation tous les six ans, période qui fait consensus auprès des médecins, ordinaux et membres de la CSMF en particulier. Tous les praticiens inscrits au tableau de l'Ordre sont concernés, quels que soient leur spécialité, leur secteur et mode d'exercice. Les médecins à diplôme étranger exerçant en France seront eux aussi certifiés selon des critères propres à leur parcours.
La démarche de « certification et valorisation périodique du parcours professionnel des médecins » (CVP), terme préféré à celui de recertification, sera obligatoire pour « tous les médecins certifiés à l’issue du nouveau troisième cycle, recommande le Pr Uzan. Elle sera toutefois ouverte et largement encouragée sur le mode du volontariat pour les autres médecins inscrits au tableau de l’Ordre. » Si ce schéma est retenu, la démarche de recertification s'appliquerait donc à tous les médecins diplômés à partir de 2021.
Pour les médecins actuellement en exercice, il n'est pas question de rendre ce processus « obligatoire », a déjà annoncé ce lundi Agnès Buzyn. « Ça ne sera pas un 4e cycle, ça ne sera pas un socle pour la rémunération au mérite ou à la performance et ça ne sera pas une procédure dont l'objectif est économique et nous ne classerons pas les médecins », abonde le Pr Uzan.
• Cinq critères obligatoires pour le sésame
Pour obtenir une certification et valorisation périodique (CVP) « quasi-automatique », le médecin devra montrer patte blanche sur cinq items « obligatoires » : la formation tout au long de la vie (DPC, accréditation, FMC, participation à des réunions, activités de formation ou de recherche) ; une activité professionnelle « maintenue », c'est-à-dire « une inscription au tableau de l'Ordre et la preuve d'une poursuite de l'activité, sous la forme d'un contrat ou des relevés d'activité de la CPAM », dont le minimum pourrait être « de trois à quatre demi-journées par semaine » ; une démarche d'amélioration de la relation avec le patient ; l'absence de « signaux négatifs » (condamnations, interdictions d'exercice, insuffisances professionnelles, etc.) ; et un intérêt accordé à la qualité de vie et à la santé au travail. « Au vue des drames récents, nous devons aider les médecins, et cette procédure peut y participer, à lutter contre les origines multiples de la souffrance, que sont le surmenage, la solitude ou l'altération du ressenti de l'image », poursuit le Pr Uzan.
« Il ne s'agit pas de repasser un examen et de créer un facteur de stress supplémentaire, insiste ce lundi Agnès Buzyn. Les médecins eux-mêmes ont admis que ce suivi des compétences était une nécessité et pouvait même les rassurer ».
• Du cousu main spécialité par spécialité
La formation tout au long de la vie pourrait se construire selon un double mécanisme pensé par les conseils nationaux professionnels (CNP) et le collège de médecine générale (CMG) : un socle commun concentrerait les missions incontournables et transdisciplinaires du médecin (relations avec les patients, qualité de vie, formations à l'innovation, à la multidisciplinarité, à la déontologie, à la communication, etc.) ; un second volet serait spécifique à chaque spécialité, aux domaines d'intérêt et aux évolutions d'activités possibles.
La mission suggère la mise en place d'un modèle mixant des items de recertification « prioritaires et ciblés » et d'autres « obligatoires, mais libres ».
• Une auto-déclaration accessible aux patients
Le médecin devra déclarer lui-même et « au fil de l'eau » ses données sur un document électronique synthétique dénommé e-portfolio, qui sera déposé dans son espace personnel numérique. La sécurisation, le stockage et le traitement des données pourraient être confiés à une agence gouvernementale. En revanche, insiste le comité de pilotage, « la synthèse des données, sous forme de l’attestation finale de certification et de valorisation, sera hébergée à l’Ordre national des médecins avec une accessibilité de l’information pour le public et les usagers (comme transparence.gouv). »
Selon le rapport Uzan, il devrait être possible de parvenir à l’objectif de recertification avec l’équivalent de « 15 à 30 jours par an » de formation (sous différentes formes cumulables) et moins de 3 heures de collecte des données par an.
• Repêchage devant l'Ordre
Lorsque le praticien a satisfait à l'ensemble du processus, garanti et contrôlé par le Conseil national de certification et de valorisation (CNCV, nouveau tiers de confiance), une « attestation de conformité du parcours de recertification » est transmise à l'Ordre départemental. Dans le cas contraire, une attestation de « non-conformité » est envoyée à l'instance ordinale. Cette dernière peut proposer au médecin mauvais élève un passage en commission, lui permettant ainsi un « ultime repêchage avec mise en œuvre d’un dernier parcours complémentaire ».
Si, au terme de cette procédure, l’avis de l’Ordre diverge de celui du CNCV, le médecin se verra notifier d'un « appel administratif ». Pas d'autres sanctions sont envisagées.
• Quels bénéfices à être recertifié ?
Prime de certification, aide financière assurantielle, accès facilité à un nouveau secteur d'exercice valorisant (type OPTAM)…. Le comité de pilotage liste les éventuels avantages, conventionnels ou statutaires, que l'on pourrait procurer aux médecins qui joueront le jeu de la recertification. Mais ne tranche pas.
À quoi va servir le CNCV ?
La mission propose de créer le conseil national de certification et de valorisation (CNCV). Il s'agit d'un tiers de confiance (réunissant 17 représentants des patients, médecins, syndicats, autorités sanitaires, etc.) qui sera chargé du suivi technique et de l'évaluation de la procédure. Première mission : constituer deux groupes de travail qui rendront un nouveau rapport au premier trimestre 2019 sur la mise en place des modalités pratiques de la recertification (cahier des charges, gestions des données, élaboration des items).
[Article mis à jour lundi à 17H30 avec les déclarations d'Agnès Buzyn et du Pr Uzan]
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