Le QUOTIDIEN : Attendez-vous des avancées de la future convention ? Êtes-vous favorable à la revalorisation de la consultation à 25 euros envisagée par la CNAM ?
Étienne CANIARD : La convention est certes un événement très important mais dont l’approche parcellaire et segmentée ne favorise pas la résolution des principales difficultés - l’articulation entre l’ambulatoire et l’hôpital, le sanitaire et le médico-social…
La convention rencontre rapidement ses limites dès lors qu’il n’y a aucune adaptation au terrain. Et pourtant la timide régionalisation de la convention prévue dans la loi de santé a provoqué un tir de barrage. Du coup, on ne tient pas compte de la variété de l’offre et des exercices médicaux, en fonction des régions, de l’insuffisance des tarifs dans certains secteurs…
Si l’on ajoute la focalisation excessive sur la valeur du C, tellement symbolique, il est évident qu’on regarde le système de santé par le petit bout de la lorgnette. 24 , 25 ou 26 euros : cela n’est pas suffisant pour supprimer les difficultés et le malaise des médecins.
Mais le tarif de l’acte médical n’est-il pas insuffisant dans l’échelle des services ?
Le principal problème de la profession n’est pas financier mais tient à l’organisation, notamment du temps médical et des conditions d’exercice. En sacralisant la valeur de l’acte, on achète des dysfonctionnements sans les résoudre.
Il faut bien sûr rémunérer les médecins correctement en tenant compte de tous les éléments – forfaits, performance - ce qui porte le montant moyen de la consultation bien au-delà de 23 ou 25 euros. La Mutualité ne veut surtout pas d’un retour au paiement à l’acte quasi exclusif. Or, on a jamais autant parlé de la valeur de l’acte… L’absence de confiance aboutit à ce repli.
Le dernier Atlas de l’Ordre alerte à nouveau sur les déserts médicaux. Faut-il remettre en cause la liberté d’installation ?
On ne passera pas d’une liberté excessive à une obligation. Ce n’est pas concevable. Il faut en revanche utiliser tous les leviers pour favoriser l’installation et l’exercice libéral. Les hôpitaux locaux par exemple sont un atout car ils offrent aux médecins libéraux un élément de réassurance. Il faut aussi développer les aides à la pratique et au secrétariat, la fourniture de locaux, de services car les médecins doivent pouvoir se reposer, avoir une vie de famille, prendre des vacances. Les élus locaux l’ont bien compris, ils ont une approche assez pragmatique.
Les médecins viennent d’annoncer qu’ils boycotteraient la réunion ministérielle du 15 juin pour installer le comité de pilotage du tiers payant. Croyez-vous toujours que le tiers payant généralisé sera simple comme la carte bleue ?
Oui bien sûr. J’y crois d’autant plus que le travail a été accompli de notre côté. On peut regretter l’instrumentalisation du tiers payant – marqueur de la loi de santé du côté du ministère, marqueur de l’indépendance des médecins du côté des syndicats. Le tiers payant ne mérite ni cet excès d’honneur, ni cet excès d’indignité.
Ce sera un outil de simplification des paiements. Les complémentaires ont mis en place un serveur de vérification d’ouverture des droits, pour toutes les complémentaires et qui, en quelques secondes, apportera au médecin une garantie absolue de paiement et de délais. C’est réglé. Le tiers payant généralisé marchera.
La décision du conseil constitutionnel de rendre facultatif l’application pour la part complémentaire n’a-t-elle pas tué cette réforme ?
Je ne crois pas. Pensez-vous que les 90 % de médecins généralistes en secteur I vont s’amuser à faire le tiers payant pour la part obligatoire et à faire payer 6,90 euros pour la part complémentaire ? Évidemment non ! Ce sera comme pour la carte Vitale : malgré une certaine frilosité au départ, les médecins ont fini par l’adopter. Il serait quand même paradoxal que la santé soit le seul secteur qui n’intègre pas les outils modernes de paiement.
La Loi Le Roux interdit aux complémentaires la création de réseaux de soins avec les médecins. Or, certaines mutuelles contractualisent avec les établissements. Soutenez-vous cette tendance ?
L’absence de contractualisation directe avec les médecins entraîne des stratégies de contournement. Interrogeons-nous : vaut-il mieux des plateformes d’orientation avec lesquelles les professionnels subissent les décisions ou un contrat entre praticiens et financeurs qui intègre des critères de qualité et précise les prix ? La seconde solution est évidemment la meilleure pour tout le monde.
Les dépassements d’honoraires médicaux représentent 2,4 milliards d’euros par an, dont un tiers est remboursé par les complémentaires. Les praticiens aimeraient que la part solvabilisée soit plus importante. Cela ne me choquerait pas si de tels remboursements avaient une contrepartie.
Votre mandat s’achève le 23 juin. Quelle est votre principale fierté ?
La Mutualité continue à être solidaire et à se battre pour que les restes à charge diminuent. La Mutualité a des pratiques vertueuses, n’en déplaise à certains. La moitié des mutuelles ont une tarification qui baisse quand l’âge de l’adhérent augmente. C’est ma grande fierté. Mon inquiétude est que les mutuelles ne puissent pas continuer sur cette voie car elles sont confrontées à un modèle économique qui pénalise les acteurs vertueux.
Ne regrettez-vous pas de n’avoir pas su réconcilier les médecins libéraux avec les mutuelles ?
C’est un de mes regrets. La crise profonde que traverse la médecine libérale a conduit à un repli sur soi et à une logique défensive qui interdit aux syndicats de prendre des risques pour innover. La profession a préféré accuser les mutuelles en leur reprochant leurs réserves. Celles-ci représentent moins de 400 euros par adhérent, à peine quelques mois de prestations. Les mutuelles ne peuvent pas être en déficit et ont toujours respecté leurs engagements.
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