LE QUOTIDIEN : L'accès aux soins est un enjeu majeur des élections municipales. Pourtant, la santé ne fait pas parti des compétences des maires. Le regrettez-vous ?
DOMINIQUE DHUMEAUX : Oui, absolument ! Si nous étions plus présents et plus consultés, nous aurions pu alerter sur la crise sanitaire que nous voyons arriver. Jusqu’à présent, les ministres de la santé ont fait des choix de court terme. Le risque politique pour un ministre est d’avoir les syndicats de médecins et d’internes sur le dos.
Tant que le lobbying des médecins restera plus fort que la pression des citoyens, les difficultés d’accès aux soins s’aggraveront. Aujourd'hui, les maires ruraux disposent de quelques rares leviers comme les contrats locaux de santé signés avec les ARS pour agir sur l'offre de soins. Nous intervenons pour financer les secrétariats, les projets de maisons médicales, de téléconsultation, voire pour salarier les médecins. Mais cela reste insuffisant face à l'urgence.
Quelles sont les remontées des communes rurales ?
Dans la Sarthe, 98 % des citoyens qui ont perdu leur médecin traitant parti à la retraite n'en retrouvent pas. Pour ces patients sans médecin traitant désigné, la téléconsultation était censée faciliter l'accès à des praticiens. Mais le lobby des médecins a fait que cette pratique dérogatoire ne peut s'opérer qu’à partir d’une organisation territoriale de type CPTS [communauté professionnelle territoriale de santé]. Hélas, il n’y a pas de CPTS partout dans les zones rurales !
Dans trois ans, nous constaterons que l'espérance de vie dans les départements comme la Sarthe diminue par rapport aux départements mieux dotés. Cette baisse ne sera pas liée aux modes de vie mais à la présence ou non de médecins. Notre société n'acceptera plus ces inégalités. Par conséquent, le gouvernement sera obligé de prendre des mesures contraignantes.
Votre association défend donc la coercition comme solution anti-déserts…
Oui complètement. Dans les six prochaines années, il y aura quatre départs de médecins pour deux arrivées. Si on veut éviter une catastrophe sanitaire, il faut avoir le courage politique de limiter la liberté d’installation dans les zones surdotées ou appliquer le déconventionnement.
En réalité, ce sont les internes actuels qui paieront le prix fort de l’absence de responsabilité de leurs aînés. Ces aînés qui ont refusé de devenir maîtres de stage dans les zones sous-denses ou d'accepter la contrainte. Certains disent que la coercition ferait fuir les jeunes de la médecine libérale… Peut-être, mais que dit-on aux citoyens ?
Le salariat est-il une bonne recette ?
C’est une piste mais pas la seule solution. Elle ne marchera qu'un temps car le vivier des médecins intéressés par ce modèle s’est tari. Aujourd'hui, une large majorité des internes semblent vouloir choisir un exercice mixte – moitié libéral, moitié salariat.
Comment les maires ruraux peuvent-ils agir ?
Pas seuls en tout cas. Les règles d’urbanisme, l’éloignement des services publics, les problèmes de transports rendent nos territoires peu attrayants. Pour changer la donne, l’État, les maires ruraux mais aussi ceux des communes plus importantes doivent travailler ensemble. Les métropoles ont tendance à accaparer les richesses sans penser à la redistribution.
Sur le terrain, êtes-vous écoutés par les agences régionales de santé ?
Non. Si les ARS avaient écouté les maires ruraux, on n'aurait jamais exigé par exemple d’avoir deux médecins pour ouvrir une maison de santé. C’est irréaliste. Seules les communes ayant de l’argent ont pu investir pour ouvrir des maisons de santé.
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