Agnès Buzyn et Gérald Darmanin ont présenté ce mardi le second budget de la Sécurité sociale (PLFSS) du quinquennat. L'Assemblée nationale entamera l'examen du texte le 23 octobre. Revue de détail.
• Dépenses maladie : ONDAM en hausse, la ville (un peu) mieux lotie que l'hôpital
Initialement, Emmanuel Macron s'était engagé à maintenir un objectif national de dépenses d'assurance-maladie (ONDAM) de 2,3 % (200,3 milliards d'euros). Le PLFSS confirme le relèvement à 2,5 % annoncé le 18 septembre lors de la présentation du plan santé par le chef de l'État, dégageant ainsi 400 millions d'euros supplémentaires l'année prochaine pour transformer le système de santé. Il s'agit du taux le plus élevé depuis six ans.
Le secteur de la médecine de ville a hérité d'un sous-objectif (+2,5 % à 91,5 milliards d'euros) légèrement supérieur à celui des hôpitaux (+2,4 %, à 82,6 milliards), ce qui devrait contenter les médecins libéraux.
• Tarifs : des spécialités ciblées
En attendant le volet détaillé des économies, Bercy précise ce mardi qu'il y aura des mesures de « pertinence » visant spécifiquement la radiologie (80 millions d'euros dans le cadre du protocole imagerie), la biologie (100 millions) et les transports sanitaires (100 millions).
• Organisation territoriale : assistants, article 51 élargi, remplacements en ville…
L'investissement supplémentaire fléché sur la ville sera pour l'essentiel consacré au big bang territorial des soins prévu par l'exécutif. « Nous avons à financer dès l'année prochaine le recrutement des assistants médicaux, la constitution [des] communautés professionnelles [CPTS], la rémunération des nouvelles infirmières de pratiques avancées », avait détaillé Emmanuel Macron. Le PLFSS confirme cette stratégie.
Une disposition est également prévue pour « faciliter » le remplacement des médecins par des étudiants en médecine « ou de jeunes médecins qui ont une pratique ponctuelle du remplacement, en simplifiant le régime social associé » (taux unique, assiette simple). Les sociétés interprofessionneles de soins ambulatoires (SISA) pourront employer directement des infirmiers en pratique avancée.
A ces mesures s'ajoute la structuration des 500 à 600 hôpitaux de proximité, le déploiement d'équipes mobiles gériatriques et des investissements (immobilier, numérique) notamment pour les hôpitaux d'Outre-mer, l'AP-HP, l’AP-HM et les établissements psychiatriques.
Le gouvernement a aussi décidé d'« amplifier » la portée du fonds d'innovation organisationnelle (article 51 du PLFSS 2018). L'enveloppe initiale (30 millions d'euros) doit permettre en 2018 le financement de 54 projets déjà choisis dans les trois modèles d'organisation (financement à l'épisode de soins en chirurgie, incitation financière à la prise en charge partagée sur un territoire, paiement en équipe de profesionnels de santé en ville). L'enjeu pour 2019 sera de « rendre possible des projets plus ambitieux, notamment sur le champ des établissements de santé ». Ce qui suppose des dérogations au droit des autorisations par exemple.
• Tarification hospitalière : deux nouveaux forfaits et davantage financement à la qualité
Ce budget enclenche comme prévu la nouvelle logique de financement forfaitaire pour deux pathologies chroniques, le diabète et l'insuffisance rénale chronique, confirmant la volonté du gouvernement de s'affranchir de la tarification à l'activité (T2A), qu'il espère plafonner à 50 %. Ce nouveau mode de financement entend inciter les professionnels et les structures à développer des actions de prévention et une prise en charge plus coordonnée du patient. Il sera étendu en 2020 à d'autres pathologies et à la ville.
L'enveloppe consacrée au financement à la qualité, balbutiant à l'hôpital, est multipliée par cinq. 300 millions d'euros sont débloqués en 2019 sur les activités des hôpitaux et cliniques en médecine chirurgie et obstétrique (MCO), en SSR et à domicile (HAD). Les hôpitaux et cliniques bons élèves sur une batterie d'indicateurs – entre 7 et 10 – relatifs à la qualité et à la pertinence des soins pourront y prétendre.
• Médicament : fin de la mention manuscrite NS, assouplissement des règles d'ATU
Pour dopter le recours aux génériques, le gouvernement a retenu un double système : pour les prescripteurs, suppression de l'obligation de mention manuscrite « non substituable » (des « critères médicaux objectifs » serviront de référentiel pour justifier le NS); et remboursement sur la base du prix du générique (en 2020) des assurés qui refusent la substitution sans justification médicale.
Comme prévu, ce nouveau budget de la Sécu élargit les règles d'accès précoce à l'innovation (via les ATU). Il sera ainsi possible de disposer d'une ATU pour des extensions d'indications (et non pas seulement pour la première indication demandée). Une procédure de prise en charge anticipée par la Sévu de certains dispositifs médicaux innovants est également prévue (lorsqu'il n'y a pas d'alternatives thérapeutiques).
Le projet de loi redéfinit « clairement » les conditions de collecte de données liées à l'usage des médicaments innovants « pour s'assurer de l'exhaustivité de ces données ». Cette collecte sera une condition à la prise en charge, précise le gouvernement.
• Accès aux soins : reste à charge zéro, CMU-C revisitée, Mayotte
Présentée en grande pompe au dernier congrès de la Mutualité, en juin, la réforme du reste à charge zéro (sur l'optique et une partie du dentaire en 2020 et déployé sur ces deux secteurs et l'audioprothèse en 2021) trouve sa place dans ce budget. Des tarifs plafond seront fixés sur les trois paniers de soins 100 % santé.
Autre confirmation : l'extension de la CMU-C aux bénéficiaires de l'aide à la complémentaire santé (ACS) sous condition d'une contribution de 30 euros mensuels maximum (variable en fonction de l'âge). Les deux dispositifs seront fusionnés à compter du 1er novembre 2019. Aujourd'hui, le taux de non-recours à l'ACS reste très élevé, de l'ordre de 65 %.
Mesure propre à Mayotte, la Sécu financera à 100 % le ticket modérateur sur les soins de ville des patients modestes pour les inciter à éviter l'hôpital, en grande difficulté.
• Prévention : santé de l'enfant, déploiement de la vaccination aux pharmaciens
Conformément au plan prévention santé, le redéploiement jusqu'à l'adolescence des 20 examens obligatoires de santé de l'enfant (aujourd'hui tous réalisés avant 6 ans) sera pris en charge à 100 % par la Sécu en tiers payant. Sont prévus des examens à 8-9 ans, 11-13 ans et 15-16 ans. Le fonds de lutte contre le tabac sera élargi aux addictions (doté de 10 millions d'euros).
Last but not least, la vaccination antigrippale par les pharmaciens (menée dans deux régions et qui a concerné 160 000 personnes) sera généralisée à l'ensemble du territoire « pour la campagne 2019-2020 ».
L’Académie de médecine s’alarme du désengagement des États-Unis en santé
Un patient opéré avant le week-end a un moins bon pronostic
Maladie rénale chronique : des pistes concrètes pour améliorer le dépistage
Covid : les risques de complications sont présents jusqu’à trente mois après hospitalisation