PDS, hôpital, chirurgie ambulatoire : comment la Cour des comptes veut enrayer le déficit de la Sécu

Publié le 17/09/2013
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Crédit photo : AFP

La Cour des comptes a détaillé ce mardi dans son rapport annuel ses pistes d’économies pour endiguer le déficit de la Sécurité sociale. Le redressement des comptes sociaux va connaître un « véritable coup d’arrêt » en 2013, « du fait de l’atonie de la croissance », note-t-elle. Le déficit du régime général de la Sécu devrait s’élever à 14,3 milliards d’euros. Les sages s’inquiètent d’une « spirale » de la dette sociale « toujours plus élevée et de moins en moins financée » qui doit être enrayée « avec une urgence impérieuse ». Ils estiment que c’est « essentiellement en pesant sur la dépense que la trajectoire de retour à l’équilibre doit se poursuivre et s’accélérer ».

La Cour consacre plusieurs volets de son rapport à la permanence des soins, aux hôpitaux privés et publics, au développement de la chirurgie ambulatoire ou encore à la biologie, qui doivent permettre selon elle de réaliser de substantielles économies. Tour d’horizon.

• L’explosion des dépenses de permanence des soins

La Cour n’est pas tendre avec le dispositif de permanence des soins (PDS), qualifié de fragile et instable. Elle constate « l’érosion du nombre de participants » depuis 2008 qui dépasse 5 % et l’apparition de « zones blanches » dans lesquelles la PDS n’est pas assurée et que les réquisitions préfectorales ne parviennent pas à pallier. Le coût de la PDS ambulatoire s’est envolé, observe la Cour. De 220,5 millions d’euros en 2001, il est passé à 393,5 millions en 2011. Si on y ajoute les services de garde des pharmacies et des transports sanitaires, la PDS ambulatoire coûtait 629,5 millions d’euros en 2011. En incluant le coût de la PDS réalisée par les urgences (530 millions), et celui de celle effectuée en établissements (723 millions), on arrive à la somme rondelette de 1,88 milliard d’euros. Pour maîtriser ces dépenses, le rapport préconise de confier aux ARS des enveloppes fermées regroupant l’ensemble des dépenses, « y compris de rémunération des actes médicaux », qui restent pour l’instant du ressort de l’assurance-maladie.

• Parc hospitalier : la dette reste préoccupante

Pour la première fois depuis 2006, le résultat global des hôpitaux publics a renoué avec l’équilibre en 2012. La Cour des comptes souligne toutefois que des aides d’urgence ont embelli artificiellement le tableau.

Le redressement est particulièrement marqué au sein de certains CHU (Fort-de-France, AP-HP, Caen...). Par endroits, les cessions d’actifs ont amené du cash. L’État a aussi joué son rôle de pompier, en débloquant des crédits en toute fin d’année 2012. « Le CHU de Caen a reçu 23 millions d’aides exceptionnelles, ce qui explique largement son résultat, en redressement de 19 millions d’euros », par exemple.

Mais certains clignotants restent au rouge. La dette des hôpitaux continue de plonger (+2,6 milliards entre 2011 et 2012). Et certains établissements restent vraiment déficitaires (les magistrats en ont identifié 36...).

Les charges des hôpitaux grimpent d’année en année, qu’il s’agisse des frais de personnel (malgré le gel du point de la fonction publique en 2010), des charges à caractère médical et hôtelier ou des charges liées aux amortissements et aux opérations financières.

La Cour réclame un encadrement plus strict des restructurations, persuadée que se nichent là d’importants gains de productivité et d’efficience. Elle souhaite que les ARS usent davantage de la contrainte pour forcer les établissements à coopérer et recommande de conditionner l’attribution d’aides exceptionnelles à la réalisation d’efforts structurels.

• L’important retard de la chirurgie ambulatoire

Malgré des progrès ces cinq dernières années, la chirurgie ambulatoire demeure deux fois moins pratiquée en France qu’au Danemark ou en Suède. Environ 4 opérations sur 10 sont pratiquées sous cette forme dans l’Hexagone (cataracte, hernies, varices, canal carpien, circoncisions…). Le ministère de la Santé s’est fixé pour objectif d’atteindre le seuil des 50% d’ici à 2016. Pour autant, la Cour livre un verdict sans appel : « La politique volontariste de développement de la chirurgie ambulatoire menée par les pouvoirs publics paraît limitée dans ses ambitions, tandis que le potentiel d’économies très significatif qu’il recèle n’est encore que trop peu exploité. » Seulement 2,1 millions de séjours ont été pratiqués en ambulatoire en 2011 sur les 5,3 millions de séjours chirurgicaux. Avec 7 interventions sur 10, le privé conserve une longueur d’avance sur les établissements publics qui se mobilisent davantage ces dernières années. Des freins subsistent comme la formation des praticiens, l’articulation avec la médecine de ville pour le retour à domicile ou quant à l’éligibilité des patients, observe la Cour qui estime que « l’amplification de la conversion ambulatoire doit constituer une priorité plus ambitieuse ». Selon les sages, « une action plus volontariste » permettrait de dégager un potentiel d’économies de 5 milliards d’euros par an.

• Les dépenses de biologie médicale très mal maîtrisées

Avec un coût pour l’assurance-maladie de 6 milliards d’euros (3,4 milliards en ville, 2,4 milliards à l’hôpital), la biologie médicale souffre d’une « très mauvaise » maîtrise de ses dépenses, juge la Cour des comptes. Premier facteur : l’obscurité quasi totale sur les actes de biologie à l’hôpital et, en ville, des données lacunaires sur les charges du secteur, les gains de productivité ou les revenus des biologistes.

En outre, le nombre d’actes de biologie médicale a bondi (80 % en 15 ans) et l’inflexion observée en 2012 n’est que conjoncturelle, assure la Cour. La biologie sera amenée à prendre encore plus d’ampleur avec le développement de la médecine prédictive et le vieillissement, ce qui « justifie les efforts qui lui restent à consentir ».

La réforme de mai 2013 serait trop timide pour obtenir de réels gains d’efficience. Le processus d’accréditation se met difficilement en place (retard dans les demandes, risque de saturation du comité français d’accréditation...), de même que la réorganisation des sites en ville et à l’hôpital. Quant au pilotage par le ministère de la Santé et les ARS, il reste lâche.

La Cour regrette enfin une action insuffisante sur les tarifs (la spécialité subit pourtant de régulières décotes), le volume des actes et la pertinence des prescriptions. Elle réclame la remise à plat, avant la fin janvier 2014, du dispositif conventionnel avec une baisse significative de la valeur du B, la relance de la révision de la nomenclature et la production par la HAS d’une liste plus fine de référentiels. Quelque 500 millions d’économies sont attendues.


L’optique, un marché « opaque » à revoir

La Cour suggère de réfléchir à ce que l’assurance-maladie se retire de l’optique, déjà peu remboursée et largement pris en charge par les complémentaires santé.  « Dès lors que l’assurance-maladie complémentaire serait généralisée, (...) pourrait se poser, s’agissant de l’optique correctrice, la question d’un réexamen de son articulation avec l’assurance-maladie obligatoire englobant une réflexion sur un éventuel retrait de cette dernière du champ » , affirment les sages. L’assurance-maladie ne rembourse que 200 millions d’euros chaque année au titre des dépenses d’optique, quand les complémentaires les prennent en charge à hauteur de 3,7 milliards d’euros . La Cour appelle les pouvoirs publics à faire « des choix clairs » , pour rendre plus transparent et plus concurrentiel ce marché qu’elle juge « dynamique et opaque » .

Mise à jour : dans une interview accordée à « Ouest-France », Marisol Touraine exclut tout déremboursement des lunettes.
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Source : lequotidiendumedecin.fr