Selon les chercheurs de l’université de Stanford en Californie, et du Houston Methodist Hospital au Texas, l’exposition aux inhibiteurs de la pompe à protons (IPPs) serait associée à un accroissement du risque d’infarctus du myocarde, de 16 à 21 % en population générale. Leurs résultats de leur analyse de plus de 16 millions de dossiers sont publiés cette semaine dans « PLOS One ».
Des risques cardiovasculaires associés à la prise d’IPP avaient déjà été montrés du doigt dans une sous-population, chez les patients souffrant de maladie coronaire placés sous antiagrégant plaquettaire clopidogrel – le clopidogrel serait moins efficace chez les patients traités par un IPP. En 2009, l’agence américaine du médicament, la FDA, avait émis un avertissement sur la prise concomitante de ces deux médicaments ; la même année, en France, l’AFSSAPS (ancienne appellation de l’ANSM) soulignait dans une lettre adressée aux professionnels de santé que « la prise concomitante de clopidogrel et d’IPP doit être évitée, sauf en cas de nécessité absolue ». Mais le bien-fondé de cette interaction continue à être très discuté, les résultats d’études successives se révélant très discordants.
Des risques en population générale
En 2013, nouvelle hypothèse : une étude publiée dans « Circulation » suggère que les PPI pourraient avoir des effets cardiovasculaires propres, même en population générale. En travaillant in vitro et sur des modèles de souris, les chercheurs ont découvert que les IPP provoquent une constriction des vaisseaux sanguins. Cette équipe a ensuite décidé de lancer une vaste étude sur l’homme, dont les résultats paraissent cette semaine dans « PLOS One ».
Les auteurs ont examiné des bases de données cliniques remontant jusqu’à 1994 pour l’une, 2007 pour l’autre, sur environ 2,9 millions de patients au total. « C’est un papier assez typique de ce qu’on appelle le data-mining - l’extraction de données. Aux États-Unis, ils commencent à collecter des bases de données phénoménales en vie réelle et à les exploiter. C’est ce que veut faire Google avec son appli Google Santé », souligne le Dr François Diévart, qui préside le groupe de pharmacologie clinique et thérapeutique de la Société française de cardiologie (SFC).
Un risque accru associé uniquement aux IPP
Les chercheurs américains ont répertorié différents types de patients ayant été exposés à des IPPs ou à d’autres antiacides – les antihistaminiques H2 – au cours de cette période de suivi, et ceux ayant subi un événement cardiovasculaire. D’après leur analyse, l’exposition aux IPPs serait associée à un risque accru de 16 à 21 % d’infarctus du myocarde, un lien qui n’est pas retrouvé avec les antihistaminiques H2. Le Dr Leeper, contacté par « le Quotidien », compte désormais conduire un essai randomisé pour évaluer la nature de ce lien. Pour le Dr Diévart, il s’agit d’un « beau travail » : « Quand on fait une étude d’observation, on peut établir une corrélation mais cela ne veut pas dire causalité. Ici, ils ont éliminé le plus de biais possibles ; par exemple, en réalisant l’analyse avec les antihistaminiques. Ils tirent leurs conclusions du contre-exemple et ils concluent de manière très prudente. »
Lever le pied sur les prescriptions d’IPPs
Pour le praticien français, même si la causalité est loin d’être établie, un tel signal n’est pas dénué d’intérêt :
« Il y a une prescription phénoménale d’IPP – je crois que c’est la troisième classe pharmacologique la plus prescrite – et donc c’est bien qu’il y ait un signal pour dire qu’il faudrait peut-être un peu lever le pied sur cette utilisation à tort et à travers. Il n’y a pas de prescription anodine. »
L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a indiqué que, pour sa part, elle n’a pas reçu de signal « ni au niveau français, ni au niveau européen » sur ces problématiques.
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