Nicolas Revel a pris ses fonctions de directeur de l’assurance-maladie

Les médecins pressent le nouveau patron de la CNAM de relancer le chantier tarifaire

Publié le 20/11/2014
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Crédit photo : AFP

En succédant cette semaine à Frédéric van Roekeghem, qui a dirigé l’assurance-maladie pendant dix ans,

Nicolas Revel, 48 ans, jusque-là secrétaire général adjoint de François Hollande en charge des politiques publiques, mesure l’immensité de la tâche. Les médecins l’attendent déjà sur plusieurs dossiers.

• Honoraires : travaux d’Hercule

Le nouveau patron de la CNAM prend ses fonctions dans un contexte de grogne médicale et de forte contrainte économique, ce qui complique sa tâche. Tous les syndicats de médecins libéraux ont appelé à la fermeture des cabinets fin décembre pour protester contre le projet de loi de santé. Au-delà du rejet d’un texte jugé « liberticide », les revendications tarifaires s’accumulent alors que les élections professionnelles se profilent.

La CSMF réclame la revalorisation du secteur I « après des mois de perdus ». Le syndicat du Dr Jean-Paul Ortiz presse Nicolas Revel de relancer le chantier tarifaire (la réforme des consultations laissée en jachère mais aussi la CCAM technique dont la méthodologie devait être revue). Autre requête confédérale : l’extension de la rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP) à toutes les spécialités (pédiatres et endocrinologues en premier lieu).

Avec un C bloqué à 23 euros depuis bientôt quatre ans, le rattrapage tarifaire est au premier rang des exigences de MG France, qui parle de « discrimination » pour la médecine générale. Le syndicat cite le forfait annuel ALD (40 euros par patient) gelé depuis 9 ans ou les indemnités kilométriques figées depuis 1996. « Le métier fait de moins en moins recette et les généralistes s’en vont par grappe », alerte le Dr Leicher qui s’inquiète par ailleurs du contournement des médecins traitants par certains programmes de l’assurance-maladie (PRADO).

Le SML, plus radical, dresse un constat de paralysie totale et réitère sa demande de dénonciation de la convention actuelle pour permettre l’ouverture rapide de « nouvelles négociations ». La création de consultations longues et complexes est une demande récurrente.

• Pacifier les relations médecins/caisses

Plusieurs syndicats ont fait état ces derniers mois d’une dégradation des relations locales entre les médecins libéraux et les caisses primaires. La raison ? Le durcissement des contrôles (arrêts de travail, usage répété du non susbstituable) parfois qualifié de « harcèlement » ou de « délit statistique » par les praticiens. La récente décision de mise sous entente préalable des prescriptions de certains hypocholestérolémiants n’a pas contribué à apaiser le climat.

À propos de ces contrôles, « certaines caisses ont peut-être été un peu zélées » nous confiait récemment Frédéric van Roekeghem (Quotidien du 17 novembre) tout en soulignant le travail de la Sécu pour « objectiver » les situations. « L’assurance-maladie doit cesser de harceler les médecins pour des prétextes divers et variés », clame le Dr Jean-Paul Hamon, président de la Fédération des médecins de France (FMF).

• Relancer l’interpro

Le feuilleton conventionnel de l’année 2014 a connu un épilogue peu glorieux. Après des mois de discussions, les libéraux de santé et l’assurance-maladie ont été incapables de trouver un compromis majoritaire sur les nouvelles rémunérations forfaitaires du travail en équipe. Principales raisons : le manque d’investissement à la clé, le modèle trop rigide de la CNAM, l’oubli des spécialistes, la complexité du dispositif... En tout état de cause, Nicolas Revel devra décider de l’opportunité de relancer ce chantier délicat (et à quel rythme).

Les enjeux sont triples : au-delà de la valorisation de la coordination libérale des professionnels (ACIP), il faudra trouver une issue pour les structures de santé qui attendent fébrilement la pérennisation des nouveaux modes de rémunération sous forme de forfaits structure (volet ACI renvoyé à un arbitrage). Les centres de santé sont, par ricochet, paralysés car la rénovation de leur propre accord national dépend aussi du résultat de l’interpro. Les négociations sur l’accord national doivent reprendre immédiatement, demandent aujourd’hui les gestionnaires et les médecins des centres de santé.

• Sortir le DMP des limbes

Le projet de loi de santé confie à l’assurance-maladie une énième relance du dossier médical partagé (DMP). Le chantier est titanesque. Depuis son lancement en grande pompe en 2004 par Philippe Douste-Blazy, le DMP est allé de Charybde en Scylla. Dix ans plus tard, moins de 500 000 dossiers ont été ouverts et « plus de 500 millions d’euros » ont été engloutis, selon la Cour des comptes. « Ce DMP a coûté bien cher et il a rapporté peu », a ironisé le président de la République lors du récent congrès de l’Ordre des médecins.

« Si la confidentialité a ses exigences, il faut qu’il y ait de l’exhaustivité, sinon ce dossier médical ne sert à rien », a ajouté François Hollande.

Marisol Touraine souhaite que le DMP cible prioritairement les patients chroniques et les personnes âgées. Que devra contenir ce dossier ? Comment le déployer ? Pour quel investissement ? Les incertitudes sont nombreuses. Le Syndicat des biologistes a déjà lancé un appel à Nicolas Revel pour qu’il travaille avec la profession à la création du dossier médical biologique (DMB), « l’une des briques du futur dossier médical partagé (DMP) ».

• Corseter les dépenses maladie

L’assurance-maladie participe, par sa politique de gestion du risque, au respect de l’Objectif national des dépenses d’assurance-maladie (ONDAM qui représente 173,8 milliards d’euros en 2013). Nicolas Revel devra conserver les dépenses maladie « dans les clous » dans un contexte de rigueur inédite imposé par le gouvernement (environ 2 % de croissance maximum entre 2015 et 2017).

Cyrille Dupuis et Christophe Gattuso

Source : Le Quotidien du Médecin: 9367