C’est dans une relative indifférence que le Sénat a adopté jeudi soir des mesures controversées qui modifient les règles de prescription et de vente de lentilles et de lunettes, dans le cadre du projet de loi consommation.
Présenté par le gouvernement afin d’« améliorer l’accès aux soins visuels partout sur le territoire et réduire les délais d’attente pour les rendez-vous en ophtalmologie », un amendement autorise, tout en l’encadrant, la vente à distance de verres correcteurs et de lentilles correctrices.
Le texte « relève de trois à cinq ans la durée pendant laquelle les opticiens-lunetiers peuvent adapter une prescription de verres correcteurs ». Il limite aussi l’obligation de prescription médicale aux seuls verres correcteurs, n’obligeant plus, de facto, les porteurs de lentilles à un passage chez l’ophtalmologiste.
Un autre amendement ouvre à la libre concurrence les solutions d’entretien ou d’application des lentilles oculaires de contact.
Faire plaisir aux opticiens ?
En séance publique, le débat autour de ces dispositions a duré… sept minutes. Seule une poignée de sénateurs étaient présents. Le Dr Catherine Deroche, sénatrice UMP du Maine-et-Loire, est l’un des rares élus à s’être opposé à ces évolutions. Selon la cardiologue, prolonger la validité des ordonnances de lunettes de trois à cinq ans va « faire plaisir aux opticiens », mais aura un impact négatif sur le dépistage et la prise en charge des pathologies oculaires. Ce texte traduit « une forme d’irresponsabilité par rapport à la qualité et à la santé oculaire » des Français, a fustigé la sénatrice.
La bataille n’est pas finie. Contacté par « le Quotidien », le Dr Jean-Bernard Rottier, président du Syndicat national des ophtalmologistes de France (SNOF), dénonce des « mesures pensées par les opticiens, pour les opticiens, qui vont à l’encontre de la santé publique ». Il dit « attendre le cheminement du texte ». Face à ce choix« économique », les ophtalmologues « comptent bien réagir ».
Démédicalisation ?
Pour sa part, le Centre national des professions de santé (CNPS) condamne une « démédicalisation de la santé visuelle ». Philippe Gaertner, pharmacien et président du CNPS, s’inquiète de « la dérégulation progressive et insidieuse du secteur de la santé, au profit d’un glissement vers le secteur commercial ».
Après le Sénat, qui termine l’examen du projet de loi ce vendredi soir, le texte sera entre les mains des députés.
Choc et inquiétude à la Croi après le retrait des États-Unis des programmes de santé mondiale
Des chiens aux urgences aident les enfants anxieux
Xénogreffe : un avenir se dessine en France
L’Académie de médecine s’alarme du désengagement des États-Unis en santé