La Cour européenne des droits de l’homme a estimé, vendredi matin à Strasbourg, que la décision du Conseil d’État visant à autoriser l’arrêt de l’alimentation artificielle prodiguée depuis 2008 à Vincent Lambert ne violait pas son droit à la vie, garanti par l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Rendu solennellement en présence de la mère et de l’épouse de Vincent Lambert, entourées de leurs avocats, l’arrêt lu par le président de la Cour, Dean Spielmann (Luxembourg), signifie en clair que les procédures et l’arrêt du Conseil d’État du 23 juin 2014 étaient conformes au droit européen. Les parents de Vincent Lambert avaient, au lendemain de la décision du Conseil d’État, saisi la Cour de Strasbourg pour la faire invalider, invoquant son incompatibilité avec la Convention européenne.
Cinq voix contre
Ces procédures peuvent donc être poursuivies, d’autant que les arrêts de la Cour sont sans appel : la justice européenne ne statuera donc plus sur cette affaire, sauf si un nouvel angle ou un nouvel élément venait à poser une autre question à son sujet, en invoquant d’autres articles de la Convention. Par ailleurs, la Cour n’a statué que sur l’article 2 de cette dernière, et a jugé irrecevable les autres griefs des plaignants, qui portaient notamment sur la conformité avec les articles 6 et 8 de la Convention de certaines procédures menées par les équipes de soins et par la justice française. La Grande Chambre de la Cour, composée de 17 juges, a rendu son arrêt par 12 voix contre 5, ce qui révèle, malgré tout, des clivages européens sur la notion de fin de vie.
Loi Leonetti validée, pour les uns ; décision inique pour les autres
Pour Me Laurent Petitti, avocat de l’épouse de Vincent Lambert, la Cour a montré la validité et la conformité des procédures qui ont mené aux décisions du Conseil d’État : « Elle valide les processus prévus par la loi Leonetti, qui peuvent maintenant se poursuivre », estime-t-il. À l’inverse, les avocats de la mère de Vincent Lambert, Me Paillot et Me Triomphe, ont dénoncé une « décision inique », qui « donne désormais à la loi le droit de supprimer les handicapés ». Malgré ce jugement « dramatique », ils ont annoncé que « le combat ne faisait que commencer » et manifesté leur volonté de le poursuivre, sans indiquer pour le moment de mesure précise.
Demande de transfert envisagée
Ils demandent, par contre, une nouvelle fois au CHU de Reims de transférer le patient dans une structure d’accueil spécialisée, la maison de santé Bethel, à Oberhausbergen, près de Strasbourg.
Responsable du pôle handicap de cet établissement, le Dr Bernard Jeanblanc, présent lui aussi à l’audience, voit dans l’arrêt de la Cour « un précédent et une porte ouverte vers l’euthanasie » car, rappelle-t-il, Vincent Lambert n’est pas en fin de vie. Il se déclare lui aussi choqué et préoccupé par l’arrêt, rappelant que les éléments qui avaient conduit les médecins de Vincent Lambert à envisager l’arrêt de son alimentation artificielle étaient « purement subjectifs et ne reposaient sur aucune directive anticipée ». Il entend, lui aussi, poursuivre le combat, « dans l’intérêt de tous les patients qui sont dans le même cas que lui et dont certains, après un séjour dans l’établissement, ont pu rentrer chez eux et retrouver une vie sociale ».
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