Actuellement, le diagnostic préimplantatoire (DPI), réalisé à partir de cellules prélevées sur l’embryon in vitro, ne peut être effectué que lorsqu’une anomalie responsable d’une maladie génétique grave, reconnue incurable au moment du diagnostic a été préalablement identifiée chez l’un des parents ou des ascendants immédiats.
Il a été proposé que ce DPI soit étendu à la recherche d’aneuploïdies (DPI-A). Une approche qui permettrait de favoriser les embryons ayant le plus de chance de s’implanter. Mais pour ses détracteurs, une telle décision porte un risque de dérive eugénique.
La ministre de la Santé Agnès Buzyn s’y est opposée tandis que le député LREM Marc Delatte, généraliste, a raconté avec émotion ses retrouvailles avec une personne trisomique venue lui faire part de sa joie d’avoir décroché un CDI.
La proposition a été rejetée par 10 voix contre 8, reflet des divisions des députés, même lorsqu’ils sont scientifiques, comme le généticien Philippe Berta et le Pr Jean-François Eliaou, pédiatre de formation et professeur d’immunologie. Verbatim.
Pr Philippe Berta (Modem) : « Éviter des parcours douloureux »
« Nous étions les pionniers dans le domaine de la fécondation in vitro (FIV). Nous avons aujourd’hui de mauvais résultats. Accorder, lorsque la famille le souhaite, la possibilité aux cliniciens, de compter le nombre d’autosomes (à l’exclusion des chromosomes sexuels) en même temps qu’ils recherchent la pathologie pour laquelle le DPI a été prescrit, permettrait de n’implanter que l’embryon qui a le plus de chance de se développer. Cela permettrait de gagner en efficacité et d’épargner des parcours douloureux pour les couples. Cela serait souhaitable pour toutes les AMP avec FIV (et c’est encore en deçà de ce que la communauté scientifique souhaiterait), mais commençons par l’ouvrir dès qu’il y a une indication de DPI.
Je défendrai également un amendement destiné à augmenter le nombre de mutations géniques actionnables qu’on rechercherait lors du diagnostic néonatal, via des outils biochimiques et génétiques.
Je regrette enfin que la loi n’évoque pas les tests ADN en population générale ; il faudrait construire un grand programme pour organiser leur généralisation, inéluctable. Ce qui ne se fera pas chez nous se fera à l’étranger. »
Pr Jean-François Eliaou (LREM) : « un tri d'embryons inacceptable »
« Autoriser le comptage des aneuploïdies dans le cadre du diagnostic préimplantatoire (DPI) est un saut considérable pour notre société. Cela conduirait à ne pas réimplanter l’embryon qui a la mutation génétique recherchée par le DPI, mais surtout, à faire un tri de l’embryon éthiquement inacceptable, selon le nombre de chromosomes ou les anomalies chromosomiques, type trisomie 21.
En outre, les populations venant pour un DPI (souvent des jeunes) ne sont pas forcément les plus à risques d’aneuploïdies.
Certains professionnels demandent que le diagnostic préimplantatoire des aneuploïdies (DPIA) soit proposé en cas de fausses couches à répétition. Certes, 50 % d’entre elles sont associées à des aneuploïdes : mais ce n’est pas 100 %.
Il est important de ne pas légiférer tant que l’on ne sait pas. La recherche clinique doit se poursuivre.
Quant aux tests ADN d’initiative privée, leurs résultats ne sont pas fiables et peuvent provoquer des réactions psychologiques incontrôlables. L’interprétation des données génomiques doit se faire dans un cadre médical. L’interdiction de ces tests est une protection contre la communication de données très sensibles à des employeurs ou à des assureurs. »
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