L’initiative est sans précédent. Mercredi soir, pendant plus de deux heures, lors d’une réunion publique à Paris, le directeur général de l’Assurance-maladie, Frédéric van Roekeghem, est venu en personne expliquer les avantages du contrat d’accès aux soins (CAS) face à un parterre de praticiens franciliens pour la plupart méfiants, voire mécontents.
Le débat, tonique mais de bonne tenue, s’est déroulé, dans les locaux de l’Institut de paléontologie humaine, symbole cocasse pour la promotion de ce nouveau contrat de modération tarifaire que le directeur qualifie de « très innovant ». « J’ai bien conscience que la salle n’est pas totalement acquise, notre enjeu est de vous convaincre », a lancé, ironique, le patron de la CNAM à la centaine de médecins réunis (dont de nombreux spécialistes de bloc opératoire exerçant dans des établissements de la Générale de santé).
« C’est un peu technique, mais vous allez comprendre »
Voix posée, pédagogue, Frédéric van Roekeghem a longuement argumenté sur les bénéfices de ce contrat « réversible » pour les praticiens de secteur II,une « solution négociée dans un contexte contraint », a-t-il souligné, rappelant que la voie législative avait été évitée de justesse.
Habile, il a repris d’emblée à son compte plusieurs arguments récurrents de la profession comme la sous-cotation des tarifs chirurgicaux, la compétitivité du secteur privé, « l’emballement médiatique » autour des dépassements extravagants mais ultraminoritaires ou le taux moyen très significatif d’actes en tarifs opposables pratiqués par les médecins de secteur II (33 % en moyenne). Avec un argument simple : le CAS est une vraie opportunité, y compris financière pour nombre de professionnels en secteur II, a-t-il martelé, séances de diapositives à l’appui et multipliant les exemples concrets. « C’est un tout petit peu technique, mais vous allez comprendre », a avancé le polytechnicien devant une avalanche de chiffres et de tableaux au sujet de la prise en charge des cotisations sur la part opposable ou la base de remboursement améliorée des patients.
«Nos charges explosent »
Il en fallait sans doute davantage pour convaincre. Un chirurgien plasticien (300 000 euros de chiffres d’affaires dont 200 000 euros en dépassements) ne se retrouve pas du tout dans la docte présentation du directeur. « Je ne suis pas sûr que vous êtes éligible au contrat », botte en touche, caustique, Frédéric van Roekeghem.
Un autre médecin explique que nombre de praticiens franciliens ne sont pas éligibles au contrat (en raison d’un taux de dépassement excessif) alors que leur pratique est conforme à la moyenne régionale. « Le contrat d’accès aux soins n’est pas modulé, cela aurait été revenir aux tarifs départementaux », argumente le directeur.
Mais la critique de fond qui soulève les applaudissements de tous les praticiens de bloc opératoire est celle, argumentée, d’un gynécologue-obstétricien. « Avec le CAS, vous nous demandez de plafonner nos recettes pendant trois ans alors que nos charges explosent. En tant que chefs d’entreprise, nous sommes pris dans un effet ciseaux, on ne peut pas renoncer à notre liberté. Si vous aviez augmenté de façon substantielle les tarifs opposables, vous auriez vidangé le secteur II ! » De fait, les chiffres confirment que le CAS connaît un succès tout particulier auprès des spécialités cliniques et des généralistes MEP ! Pas forcément la cible initiale...
D’autres attaques, parfois très vives, porteront sur la stigmatisation des médecins, l’absence d’engagement des complémentaires, le volet « répressif » de l’avenant 8, les « petits juges » des caisses primaires, les frais de gestion des caisses ou le « détournement » de l’argent « qui ne va pas dans les soins »...
Jusqu’au bout, le directeur, placide, argumente, explique sa stratégie et... mesure les efforts qui restent à déployer pour mettre en place ce fameux contrat signé pour l’instant par 5 700 médecins, mais seulement un millier de praticiens sur plateaux techniques lourds.
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