ET SI LES SOINS de ville volaient au secours du déficit de la Sécu ? Avec un « trou » du régime général de 13,3 milliards d’euros pour 2012 (5,9 milliards pour la branche maladie), il faudra encore bien des efforts pour revenir sur le chemin de l’équilibre...
Il n’empêche : l’an passé, du jamais vu, l’exécution de l’ONDAM (objectif national de dépenses d’assurance-maladie voté par le Parlement) a été inférieure de 900 millions d’euros par rapport à l’objectif initialement voté en loi de financement (171,1 milliard d’euros). Et ce quasi exclusivement grâce à la sous-consommation des soins de ville (honoraires, indemnités journalières, prescriptions, soins d’auxiliaires médicaux...).
L’avis du comité d’alerte indépendant est venu le confirmer. « Cet écart [entre objectifs votés et dépenses réelles] porte principalement sur les soins de ville (-850 millions d’euros) dont la progression a ralenti en 2012 ». Sur les six derniers mois de 2012, le secteur libéral a procuré 500 millions d’euros d’économies qui n’étaient pas anticipées.
Dans son bilan annuel, la CNAM souligne la stabilitédes remboursements de soins médicaux et dentaires (-0,2 % et même -1,2 % pour la médecine générale !), le zéro croissancedes produits de santé, la diminution des IJ (-1,4 %) et des analyses médicales ou encore la progression « modérée » des frais de transports (3,8 %). Les médicaments délivrés en ville sont également en repli (-1,6 %), sous l’effet du ralentissement des volumes, des baisses de prix et des génériques. Quelques postes connaissent en revanche une évolution plus dynamique dont les soins d’auxiliaires médicaux (6,4 %).
Miracle de l’effet de base.
Cette tenue remarquable des dépenses de ville n’est pas anodine économiquement et politiquement.
Non seulement ce phénomène a permis à l’ONDAM 2012 de rester largement « dans les clous » mais cette sous-exécution des dépenses crée un effet de base favorable pour la réalisation de l’ONDAM 2013 (2,7 % autorisés à 175,4 milliards d’euros). En clair, le montant des dépenses maladie 2013 ayant été calculé par rapport à un niveau 2012 qui n’a pas été atteint, il devient mécaniquement beaucoup plus facile à respecter.
Malgré l’impact de la longue épidémie grippale sur les remboursements de ville en début d’année, le comité d’alerte devrait ainsi confirmer fin mai qu’il n’y a pas lieu de craindre un dérapage pour l’exercice en cours, ce dont pourra se féliciter le gouvernement. L’exécutif entend d’ailleurs tenir ce même cap dans les années qui viennent.
Où sont les marges ?
Bonne élève depuis plus de 18 mois, la médecine de ville réclame son dû. Avec un message simple : une partie au moins des marges dégagées par les libéraux doivent revenir aux libéraux, et non passer par pertes et profits. Certains chiffres sont spectaculaires. La CNAM confirme au « Quotidien » que le nombre de consultations médicales a baissé en 2012, aussi bien chez les omnipraticiens (243 879 054 consultations exactement, soit une baisse de 1,4 %) que chez les spécialistes (baisse de 2,5 %), sous l’effet de la crise, du regroupement des motifs de visite ou de la démographie médicale.
Pour la CSMF (lire ci-dessous), il est temps d’accélérer le programme conventionnel de revalorisations, qu’il s’agisse du rattrapage tarifaire de la CCAM clinique (réforme des consultations), de la CCAM technique ou encore de l’extension de la rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP) à toutes les spécialités. Quant aux décotes tarifaires imposées à l’imagerie médicale et à la biologie, elles ne seraient plus justifiées, plaide Michel Chassang.
Le patron de MG France estime lui aussi qu’il y a « des marges, une opportunité et une conjoncture » favorables pour investir massivement sur les acteurs de soins primaires, à la faveur de la prochaine négociation sur le financement des équipes pluriprofessionnelles de proximité (qui pourrait se tenir en juin). La volonté du gouvernement de recentrer l’hôpital sur les cas les plus aigus et complexes serait un signal prometteur. « Si l’on veut réussir la stratégie nationale de santé et la médecine de parcours, c’est le moment d’investir sur la ville », explique le Dr Claude Leicher. « Ces équipes de soins de proximité, justifie-t-il, vont réclamer des moyens pour constituer un secrétariat et renforcer la coopération, en commençant par l’articulation généraliste/infirmière ».
Risque de saupoudrage.
Le gouvernement a certes programmé un effort dès 2013 pour entamer la généralisation de ces nouveaux modes d’organisation en équipe. Mais reste à savoir si les moyens financiers nécessaires seront au rendez-vous ou si les libéraux auront droit à du saupoudrage... Et quelles seront les marges de manœuvre financières à disposition des ARS pour décloisonner les parcours de soins ville/hôpital/médico social ? Les réponses ne seront connues que dans quelques mois.
Pour le Dr Roger Rua, président du SML, les chiffres 2012 apportent de l’eau au moulin des libéraux, même s’il refuse toute démarche corporatiste. « Le secteur fait tous les jours la preuve de son efficience, de sa souplesse et de son adaptabilité en période de crise. Nous avons des réponses très crédibles. Ces bons résultats pour les soins de ville devraient au moins aboutir à moins de contraintes, moins de pression et moins de stress ».
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