Sévère coup porté à la biologie médicale. Le président de la 6e chambre de la Cour des comptes Antoine Durrleman a présenté hier devant la commission des Affaires sociales du Sénat la synthèse d’une enquête demandée en décembre 2012. Alors que le fer de la réforme entérinée le 31 mai 2013 est encore chaud et que les biologistes ont enchaîné cette année les grèves pour dénoncer la baisse des tarifs, les sages préconisent l’intensification de la maîtrise des coûts et des volumes, y compris à l’hôpital.
Baisse de 2 centimes de la lettre clé B
La biologie médicale reste trop coûteuse selon la rue Cambon. Malgré un léger recul des dépenses en libéral (-1,6 %) en 2012 après des années d’augmentation, le montant des sommes remboursées par l’assurance-maladie s’élève à 3,4 milliards, pour un total des honoraires des libéraux et cliniques privées de 4,76 milliards d’euros.
À l’hôpital, les dépenses sont « insuffisamment connues et suivies », regrette la Cour, qui les évalue à 2,268 milliards d’euros en 2011. Hôpital et ville confondus, le montant des dépenses de biologie médicale plafonnait à plus de 7 milliards d’euros en 2011.
Si la Cour reconnaît les sept années de baisses consécutives du coefficient de certains actes, elle en nuance l’impact en soulignant l’accroissement du volume. Depuis 2006, le nombre d’actes augmente de 4,6 % en moyenne annuellement. Ces mesures (qui ont fait gagner à la CNAM 697 millions d’euros entre 2006 et 2012) « correspondent plus à un souci d’ajustement conjoncturel récurrent qu’à une vision de moyen terme » critiquent les sages.
Aussi proposent-ils une importante révision de la nomenclature des actes et une action sur les volumes. Concrètement, la Cour demande la diminution du prix du B de 2 centimes, le ramenant de 0,27 à 0,25 euro. Économie à la clef pour l’assurance-maladie : 220 millions d’euros annuels.
L’hôpital n’est pas épargné : les sages souhaitent plus de volontarisme dans le développement de la prescription connectée et appellent à des réductions de 10 à 15 % du nombre d’actes pour une économie de 200 à 300 millions d’euros pour les établissements.
Besoin d’un pilotage de la réforme
La rue Cambon se montre sceptique sur la réforme de la biologie médicale, en particulier sur l’accréditation des laboratoires, « un choix particulièrement exigeant, unique en Europe ». La Cour constate le retard des laboratoires et prévoit l’embouteillage des dossiers au COFRAC (comité français d’accréditation).
Le retard des laboratoires hospitaliers menace aussi de déboucher sur une rupture de l’égalité de traitement par rapport à la ville. « Ces risques devront être attentivement anticipés par le ministère de la Santé et par le COFRAC à travers un tableau de bord précis de l’avancée de la démarche », peut-on lire dans le rapport.
Autre sujet de préoccupation, la réorganisation des laboratoires. Si la tendance au regroupement est amorcée, elle reste juridique et le nombre de sites demeure stable.
Les sages interpellent directement l’État dont ils jugent les efforts d’accompagnement et de régulation insuffisante. Les critiques fusent : parcours législatif de l’ordonnance de 2010 chaotique, incertitude juridique, suivi des administrations défaillant, agences régionales de santé désarmées pour faire respecter la pérennité de l’offre dans les territoires... « Un pilotage plus affirmé de la réforme doit être nécessairement mis en place pour en assurer l’aboutissement », concluent les sages.
Mécontentement des biologistes
La proposition d’une baisse de la valeur du B de 2 centimes ne passe pas chez les biologistes. « Cette préconisation est irresponsable en termes de santé publique mais aussi d’équilibre économique des laboratoires », dénonce François Blanchecotte, président du syndicat des biologistes (SDB), qui alerte depuis un an sur les 8 000 emplois menacés par la réforme. Le jeune syndicat BIOPRAT (dont le président Patrick Lepreux a mené plusieurs grèves de la faim contre la réforme) s’étonne, lui, « de l’acharnement dont fait l’objet une profession de santé pourtant plébiscitée par les patients et les médecins » et dénonce « un texte aveugle aux efforts déjà consentis ».
Les syndicats regrettent enfin que ce rapport déstabilise des négociations en cours au ministère de la Santé avec l’Assurance-maladie pour envisager un plan pluriannuel (sur 3 ans) de stabilisation économique. Le SDB annonce qu’il ne « s’interdira aucune action pour lutter contre la mise en application » de la baisse de la valeur du B.
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