C’est une première en France. Parmi les 490 000 patients atteints d’apnée du sommeil et traités par un appareil de ventilation dit à pression positive continue (PPC), seul les « bons élèves » bénéficieront du remboursement par l’assurance-maladie. Installé à domicile, ce dispositif en forme de masque de pilote de chasse insuffle de l’air et prévient les pauses respiratoires. Son efficacité dépend de la fréquence et de la durée d’utilisation, bref de la bonne observance, argumente l’assurance-maladie.
Tour de vis
Depuis 2013, des arrêtés conditionnent le niveau du remboursement à l’usage que fait le patient de l’appareil. Pour les nouveaux patients appareillés, une utilisation d’au moins trois heures par nuit pendant au moins 20 jours, par période de 28 jours, est requise pour la prise en charge. Les données sont transmises au prestataire et à l’assurance-maladie via une puce GSM. Depuis octobre, tous les nouveaux appareils en sont pourvus. Faute d’utilisation suffisante, le remboursement est dégressif, jusqu’à cesser. L’appareil est réquisitionné sous huitaine, à moins que le patient accepte de le louer 20 euros par semaine.
L’argument économique pèse lourd. En 2012, le remboursement du traitement par PPC a coûté 400 millions d’euros à la Sécu, en hausse de 11 % par rapport à 2011. Or, selon le ministère de la Santé, 20 % des patients n’utiliseraient pas assez leur appareil, soit environ 80 millions d’euros par an de dépenses injustifiées. Principal fournisseur du dispositif de transmission, d’hébergement et de suivi des données, Orange précise que 90 % des cas d’apnée du sommeil ne seraient pas diagnostiqués...
Exclusion des médecins
« Big Brother » ou surveillance légitime d’une pathologie évolutive lourde ? Les avis sont divisés au sujet de cette téléobservance d’un nouveau genre. L’assurance-maladie invoque des « sensibles économies tout en permettant un meilleur suivi des patients ». Du côté des pneumologues, on s’interroge sur la pertinence médicale du dispositif. « Trois heures, c’est trop peu pour avoir un bénéfice sur la mortalité cardiovasculaire », indique le Pr Alain Didier, président de la société de pneumologie de langue française.
Les patients sont partagés. Selon un sondage de la Fédération des prestataires de santé à domicile, 88 % jugent ce remboursement conditionnel « acceptable ». Mais la Fédération des patients insuffisants ou handicapés respiratoires (FFAAIR) juge, au regard des critères fixés, que le patient est « fliqué » par la Sécu. Plusieurs aménagements sont demandés : remplacer les trois heures de « pointage » obligatoire par une moyenne, sécuriser les données et impliquer le médecin dans le télésuivi.
Le Dr Sylvie Royant-Parola, psychiatre et présidente du réseau Morphée (consacré aux troubles du sommeil), dénonce « l’exclusion » des professionnels du système. « Aucun médecin ne peut vérifier la valeur des données pas plus qu’il n’a son mot à dire en cas de désappareillage », regrette-t-elle. L’assurance-maladie affirme qu’un suivi national de la PPC avec téléobservance sera assuré « avec le comité économique des produits de santé et les prestataires ».
Xénogreffe : un avenir se dessine en France
L’Académie de médecine s’alarme du désengagement des États-Unis en santé
Un patient opéré avant le week-end a un moins bon pronostic
Maladie rénale chronique : des pistes concrètes pour améliorer le dépistage