La prise en charge de l’ostéoporose connaît une évolution paradoxale en France. Alors que le nombre de fractures de fragilité ne cesse d’augmenter du fait du vieillissement de la population, une baisse régulière des prescriptions d’ostéodensitométrie et de traitements contre l’ostéoporose est observée depuis quelques années. Elle semble être due essentiellement à la banalisation de l’ostéoporose, considérée comme une fatalité, et à la crainte des effets secondaires des médicaments.
Pourtant, le fardeau des fractures ostéoporotiques est majeur, tant sur le plan économique que sur celui de la santé et de la qualité de vie. 40 % des femmes ménopausées auront au moins une fracture par fragilité osseuse, aux conséquences parfois dramatiques : « 20 % des femmes et 30 % des hommes décèdent dans l’année qui suit une fracture du col du fémur », a rappelé le Pr Bernard Cortet (CHRU de Lille) lors d’une conférence de presse de l’Association française de lutte antirhumatismale (Aflar). Le montant des soins remboursés pour ces fractures ostéoporotiques s’élevait à un milliard d’euros en 2015. Mais si l’on prend en compte l’ensemble des dépenses, le coût annuel s’élève à 4,8 milliards d’euros. Par ailleurs, les spécialistes présents ont relativisé le risque d’ostéonécrose de la mâchoire, élevé chez les patients traités à forte dose pour un cancer osseux, mais qui ne dépasse pas un cas pour 10 000 à 100 000 patients par an chez ceux traités pour une ostéoporose.
Non-remboursement redouté
Une enquête en ligne sur le site de l’Association française de lutte antirhumatismale (Aflar) indique que 44 % des patients atteints d’ostéoporose pensent que cette maladie est aussi grave qu’un problème d’allergie. Selon une autre enquête de l’Aflar menée auprès de 100 généralistes, moins de 40 % d’entre eux estiment que la gravité de cette maladie se rapproche de celle d’une allergie. Plus de la moitié disent se heurter au manque de motivation des patients et 84 % réclament une meilleure information sur les traitements. « L’observance est la variable clé de la prise en charge, a estimé le Pr Launoy, directeur du Réseau de d’évaluation en économie de la santé France. Le taux d’abandon des traitements hebdomadaires est de 49 % à un an. Après 5 ans, 20 % des patients seulement sont encore sous traitement ».
Pour mieux cerner les enjeux de la prise en charge, l’Aflar a supervisé les États généraux de l’ostéoporose, de novembre 2016 à juin 2017, dans dix villes de France. Ce travail a conduit à la rédaction d’un livre blanc, qui sera remis à tous les députés et sénateurs.
Un livre blanc et 7 propositions
Parmi les sept propositions prioritaires, figure bien sûr la promotion de campagnes d’information auprès des professionnels et du grand public, mais surtout le développement de la prévention primaire et secondaire des fractures de fragilité. Les conditions complexes de remboursement des ostéodensitométries occasionnent une insuffisance de prescriptions, par crainte d’un non-remboursement. « Une ostéodensitométrie remboursée systématiquement à 65 ans serait à notre sens le minimum », a insisté le Dr Laurent Grange (CHU de Grenoble), président de l’Aflar.
Une hausse des coûts de 26 %
Des moyens très simples de dépistage de l’ostéoporose existent aussi, comme la mesure annuelle de la taille. La prévention secondaire, après fracture, est aujourd’hui dramatiquement négligée (15 % seulement des patients traités). Elle pourrait être renforcée par la création de postes d’infirmières dédiées à l’hôpital, et par l’inscription de tous les patients victimes d’une fracture du col du fémur dans une filière de soins, telle qu’il en existe au Royaume-Uni. L’Aflar préconise, enfin, des mesures incitatives pour les généralistes, en incluant par exemple l’ostéoporose dans les objectifs du Rosp et en généralisant une consultation complexe dédiée à l’ostéoporose après fracture.
« En 2025, 500 000 personnes par an seront concernées par une fracture, entraînant une hausse des coûts de 26 %, a déclaré le Pr Robert Launoy. Il faut réfléchir à un plan de santé publique qui intégrerait ces sept propositions ».
Les lacunes de la prévention
Selon les chiffres de la CNAM, 150 450 fractures ayant entraîné une hospitalisation chez les plus de 50 ans ont été recensées en 2011, 155 800 en 2012 et 165 250 en 2013. Pourtant, 1,1 million de traitements contre l’ostéoporose ont été prescrits en 2010, mais moins de 800 000 en 2014. Quant au nombre d’ostéodensitométries, il baisse de plus de 6 % par an. Signe des lacunes du dépistage et de la prise en charge, seuls 12 % des patients ayant une fracture ostéoporotique recevaient un traitement contre l’ostéoporose dans l’année précédente et 3 % seulement avaient eu une ostéodensitométrie.
L’Académie de médecine s’alarme du désengagement des États-Unis en santé
Un patient opéré avant le week-end a un moins bon pronostic
Maladie rénale chronique : des pistes concrètes pour améliorer le dépistage
Covid : les risques de complications sont présents jusqu’à trente mois après hospitalisation