Si l’adoption d’une stratégie nationale en 2017 a permis des avancées, « la santé sexuelle ne constitue pas une politique publique unifiée », observe un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas), remis en février et rendu public le 9 juin. Alors que les enjeux de santé publique en la matière sont « importants et en pleine mutation », les différentes structures en charge de la santé sexuelle restent morcelées et manquent d’un « pilotage cohérent », tant au niveau national que local, analyse l'Igas. Les auteurs émettent 19 recommandations pour amorcer les ajustements nécessaires à une approche globale.
Le virage opéré en 2017 s’appuyait pourtant sur l’approche proposée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en englobant toutes les facettes de la santé sexuelle : l’information et l’éducation à la santé sexuelle, le dépistage et le traitement des infections sexuellement transmissibles (IST), du VIH et des hépatites, la contraception et l’interruption volontaire de grossesse (IVG), la prévention de l’infertilité, mais aussi la lutte contre les discriminations et les violences en raison d’orientation sexuelle et de genres.
Un cloisonnemet historique
Ces différentes composantes de la santé sexuelle sont issues « de courants militants et de moments historiques distincts », à savoir l’émancipation des femmes à travers le contrôle des naissances dans les années 60 et 70 et la mobilisation autour de l’épidémie de sida dans les années 80. Conséquence de ces histoires, ces composantes ont été portées par des acteurs différents. Et aujourd’hui encore, « le dépistage et le traitement du VIH (et des IST en général) et la santé reproductive (contraception, accès à l’IVG, égalité entre les hommes et les femmes) restent deux politiques publiques séparées », est-il souligné.
L’ambition de décloisonnement affichée par la stratégie de santé sexuelle 2017-2030 n’a pas complètement porté ses fruits. Les textes législatifs « ne forment pas un ensemble cohérent affichant des principes communs et des prises en charge unifiées dont le point d’entrée serait une vision élargie de la santé sexuelle », relève le rapport. Par exemple, « si les plans de lutte contre le VIH et les IST ont bien été remplacés par la stratégie de santé sexuelle, ce n’est pas officiellement le cas de l’accès à l’IVG, de la lutte contre les violences sexuelles à l’égard des femmes ou des enfants, ou de la lutte contre les discriminations liées à l’orientation sexuelle qui continuent de faire l’objet de plans et stratégies distincts », est-il souligné.
Depuis 2016, des réformes ont permis un rapprochement des missions des centres gratuits de dépistage et de diagnostic des IST (Cegidd) et des centres de planification et d’éducation familiale (CPEF), mais sans parvenir à simplifier l’offre ou la rendre plus lisible. Sur le terrain, les cloisonnements restent multiples. « Le rapprochement occasionnel des structures allant jusqu’à la fusion relevait de cas isolés, portés par des dynamique d’acteurs sui generis au niveau local », soulignent les auteurs. Aussi, le rapprochement des missions n’a pas permis « de mettre fin au défaut d’attractivité de ces structures, particulièrement en ce qui concerne le personnel médical », est-il ajouté.
Au niveau national, le pilotage est complexifié par « le manque d’exhaustivité et de finesse des données épidémiologiques » et par « l’absence de suivi de l’activité des Cegidd et des CoreVIH, malgré l’existence d’enquêtes ad hoc et de rapports annuels d’activité », est-il pointé. Et, au niveau local, « les ARS n’ont pas de vision globale de l’offre en santé sexuelle et les ressources humaines qu’elles consacrent globalement au pilotage stratégique de la santé sexuelle sont faibles en regard des enjeux de santé publique », tacle le rapport.
Des enjeux de santé publique « en pleine mutation »
Ces enjeux sont « en pleine mutation ». L’épidémie de sida, « toujours active » malgré les progrès thérapeutiques et prophylactiques, touche en particulier deux populations : les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (44% des découvertes de séropositivité en 2021) et les populations nées à l’étranger (51%). La prévalence des IST est en hausse, en particulier chez les jeunes. Les infections à Chlamydia trachomatis ont par exemple augmenté de 9% en 2021 par rapport à 2019. La prévention vaccinale des IST virales souffre de retards importants, avec, en 2023, une couverture vaccinale HPV qui plafonne à 60 % chez les adolescentes. Et, les inégalités territoriales restent importantes dans le taux de recours à l’IVG.
Ces enjeux appellent à un sursaut. L’état des lieux dressé par le rapport « ne plaide pas pour le maintien à long terme du statu quo », insistent les auteurs. Pour autant, « la priorité immédiate n’est pas à l’organisation complexe d’une fusion imposée des structures avec un pilotage unifié sous l’égide des ARS et selon un modèle unique défini au niveau national », estiment-ils.
L’urgence porte sur un renforcement du suivi et du pilotage des structures au niveau local et national et sur une réforme des outils de la veille épidémiologique. Concernant les missions des structures, « des ajustements doivent permettre de mieux remplir les objectifs assignés par la stratégie nationale de santé sexuelle, sans bouleversement majeur, est-il préconisé. Les CoreVIH doivent en revanche être rapidement recentrés sur leur mission principale de coordination, leur financement et leurs ressources humaines adaptées en conséquence ».
À plus long terme, les regroupements de structure sont à encourager dans l’optique de mieux répondre aux besoins de la population. Le rapport plaide ainsi pour la création de centres de santé sexuelle « centrés sur une population particulière » ou regroupant les missions des Cegidd et des CPEF, « en fonction de la densité de la file active et des enjeux propres à chaque territoire ».
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