Recherche : après le retrait des États-Unis, un trou béant à combler à l’international

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Publié le 30/05/2025
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Le retrait des États-Unis de la recherche à l’international met en danger les projets scientifiques, notamment dans les pays en développement.

Le démantèlement de l’Usaid met un coup de frein aux programmes de recherche à l’étranger

Le démantèlement de l’Usaid met un coup de frein aux programmes de recherche à l’étranger

L’engouement européen pour capter les chercheurs travaillant aux États-Unis n’est pas du goût du Canadien Keith Martin, directeur exécutif du consortium des universités pour la santé mondiale. « Il ne faut pas tellement se préoccuper d’attirer les chercheurs expérimentés de haut niveau, ils peuvent très bien se débrouiller tout seuls, sourit-il. Ces fonds seraient plus profitables aux jeunes dont la carrière et les rêves sont mis en danger par l’administration Trump. Sans parler des essais cliniques internationaux, dont les États-Unis se sont retirés au cours des dernières semaines. »

Keith Martin cite notamment le cas de la plateforme de recherche Prisme-CI, en Côte d’Ivoire, à laquelle les Instituts nationaux de la santé américains (NIH) participaient il y a encore peu de temps. « Ce projet, qui explore l’intérêt des traitements longue durée d’action du VIH, était trop dépendant des fonds américains pour l’achat des anticorps longue durée d’action, mais il devrait être possible de prendre leur place pour un coût relativement faible », détaille-t-il.

Un mastodonte irremplaçable

Le PDG de l’Inserm, le Pr Didier Samuel, abonde : « Il y a une vraie réflexion stratégique à avoir sur les programmes que nous pouvons ou voulons reprendre. Il ne faut pas affaiblir nos investissements dans la recherche actuellement, sous peine de laisser toute la place aux Chinois. » Avec la baisse brutale de 80 % du budget de l’Agence des États-Unis pour le développement international (Usaid) et la mise sous contrôle direct des 20 % restants, de nombreux programmes de recherche internationaux sur le mpox ou Ebola vont être abandonnés. « Les instituts académiques américains, comme les NIH, ont arrêté le développement de nouveaux médicaments. Il est primordial de sauver cela. En parallèle de l’accueil des scientifiques sur le territoire français, nous essayons actuellement de récupérer les travaux en cours et les brevets afin que tout ne soit pas perdu », ajoute pour sa part le directeur de l’ANRS-MIE, Yazdan Yazdanpanah.

Les NIH sont les plus gros bailleurs de fonds de la recherche sur le cancer de la planète

Pr Éric Solary, vice-président de la fondation ARC

Pour le Pr Éric Solary, vice-président de la fondation ARC, si les États-Unis finissent par faire complètement défaut, personne ne pourra reprendre le flambeau. « Les NIH sont les plus gros bailleurs de fonds de la recherche sur le cancer de la planète, 25 fois plus que le Wellcome Trust qui est le deuxième, et le European Research Council est encore beaucoup plus loin derrière, explique-t-il. On ne pourra pas les remplacer. » L’administration Trump a notamment interrompu le financement fédéral des programmes de recherche sur les vaccins ARNm : « Cela signe la fin d’un programme de développement de vaccin ARNm contre le cancer du pancréas », programme qu’aucun autre institut ne pourra poursuivre. Quels que soient les moyens déployés dans d’autres pays, le passage de l’ouragan Trump va laisser des traces profondes dans le monde de la recherche.


Source : Le Quotidien du Médecin