Localisation gynoïde ou androïde, origine génétique ou non, etc. Au cours de ces dernières années, les données de la recherche ont fait émerger plusieurs profils d’obésité qui n’ont ni le même impact sur la santé, ni les mêmes réponses aux traitements. « On considère de plus en plus que l’obésité est une maladie très hétérogène, et qu’on doit désormais parler non pas de l’obésité, mais des obésités », résume le Pr Jean-Michel Lecerf (Institut Pasteur et CHRU de Lille). Pour chaque patient, il faut donc s’attacher à distinguer à la fois les facteurs en cause dans sa pathologie mais aussi son risque propre, afin de proposer une prise en charge adaptée.
Des déterminants multiples
Au niveau physiopathologique, l’obésité n’est plus appréhendée comme une accumulation de graisse, mais davantage comme une véritable maladie du tissu adipeux, survenant sur un terrain initialement favorable, sous l’influence de facteurs multiples et variables selon les patients. « Au niveau individuel on ne peut plus faire un simple parallèle entre apports caloriques et prise de poids ; ce n’est pas aussi simple que ça », insiste le Pr Lecerf, pointant du doigt toute une série d’interfaces qui interviennent dans le bilan énergétique final comme la génétique, l’environnement in utero mais aussi le microbiote, ou encore le stress ou les troubles psychologiques. Ces derniers pourraient induire une prise de poids indépendamment du comportement alimentaire.
« D’authentiques obésités apparaissent ainsi après des viols ou des incestes par exemple », rapporte le Pr Lecerf. « Face à une prise de poids qui survient de façon surprenante à l’âge adulte ou à l’adolescence, il faut donc se demander si elle ne peut pas être liée à un stress majeur survenu quelques années ou mois auparavant ». A contrario, « une obésité très précoce et sévère a de fortes chances d’être d’origine génétique », poursuit le spécialiste.
Tissu adipeux sous-cutané ou graisse ectopique ?
Au-delà de ces différences étiologiques, l’obésité a aussi plusieurs visages au niveau anatomique avec, à poids égal, une localisation de l’excès de graisse variable d’un individu à l’autre. Depuis longtemps, on distingue les obésités gynoïdes (localisées essentiellement au niveau des hanches et des cuisses) des obésités androïdes (ou abdominales). Alors que les premières sont réputées peu dangereuses sur le plan métabolique et cardiovasculaire, les secondes sont au contraire très athérogènes.
La fin des années 2000 a permis d’aller plus loin en introduisant le concept de dépôt graisseux ectopique. Alors que chez certaines personnes, l’accumulation de graisse va se faire classiquement dans les adipocytes sous-cutanés, chez d’autres au contraire elle touchera surtout des sites anatomiques normalement non associés au stockage de lipides, avec le développement de tissus adipeux ectopiques au niveau viscéral, mais aussi épicardique, péri-rénal ou périvasculaire. Dans certains cas, le stockage de triglycérides peut aussi se faire dans des cellules non adipeuses (comme dans les hépatocytes par exemple), réalisant alors une stéatose.
À poids égal, pronostics différents
Toutes ces localisations ectopiques seraient associées à un pronostic plus péjoratif, avec notamment un risque cardio-métabolique plus important. De nombreuses études ont notamment montré que l'accumulation de tissu adipeux épicardique (TAE) est associée à un risque accru de coronaropathie et de troubles du rythme. Comme l’a expliqué le Pr Anne Dutour-Meyer (hôpital Nord, Marseille) lors d’une communication des journées annuelles Benjamin Delessert : « Le TAE est associé de façon précoce à la dysfonction endothéliale coronaire. Des produits de sécrétion du TAE, particulièrement inflammatoires et athérogènes, pourraient participer au développement de l’athérosclérose coronaire. » De son côté, la stéatose cardiaque pourrait être impliquée dans la cardiomyopathie liée à l’obésité. Cela via l’accumulation de dérivés lipidiques toxiques comme les céramides ou les diacylglycérols qui induisent une dysfonction mitochondriale, un stress du réticulum endoplasmique et des phénomènes inflammatoires.
La composition corporelle et l’équilibre masse grasse/masse maigre (estimée cliniquement par l’état musculaire) interviennent aussi dans le pronostic. Ainsi, « une personne musclée ayant une bonne capacité physique (même sans activité physique importante) aura un état de santé beaucoup moins menacé que quelqu’un du même poids mais avec une faible capacité physique ».
À ces éléments pronostiques directement liés à l’obésité s’ajoutent d’autres facteurs de risque : comorbidités, âge, sédentarité, etc.
Une prise en charge à personnaliser
Autant de nuances méconnues par l’IMC – de plus en plus remis en cause (lire encadré) –, mais à prendre en compte dans la prise en charge. « La médecine de l’obésité est une médecine comme les autres : chaque situation demande à être analysée séparément, souligne le Pr Lecerf, en prenant en compte l’évolution du poids, la répartition du tissu adipeux, l’existence ou non d’autres facteurs de risques ou de comorbidités, l’activité du patient, son alimentation, etc. »
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